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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

ou centres des corps graves, savoir le centre de grandeur et le centre de gravité ; car dans les corps où la gravité n’est pas uniformément répartie, le centre de gravité n’est pas le centre de grandeur ; tandis que dans les corps de gravité uniforme, le centre de grandeur et le centre de gravité peuvent bien coïncider.

» La seconde distinction, est celle-ci : Dire qu’un corps est au milieu du Monde peut s’entendre de deux manières différentes ; d’une première manière, on entend que son centre de grandeur est au centre du Monde ; d’une seconde manière, que son centre de gravité est au centre du Monde.

» Or je suppose que la terre n’est pas d’uniforme gravité, et voici ce qui rend cette supposition évidente : Une partie de la terre, en vue de l’habitation des animaux et des plantes, est laissée à découvert par les eaux ; le côté opposé, au contraire, est couvert d’eau. Or l’air, qui est naturellement chaud, et le Soleil échauffent la partie de la terre que les eaux ne recouvrent pas ; ils la rendent par là plus subtile, la raréfient et l’allègent, tandis que la partie de la terre que l’eau couvre demeure plus compacte et plus grave. Il en résulte immédiatement que, pour la terre, autre est le centre de grandeur, autre est le centre de gravité.

» Dès lors, on peut poser cette première conclusion : Ce n’est pas le centre de grandeur de la terre qui est au centre du Monde… Puis cette seconde conclusion : C’est le centre de gravité de la terre qui’est au centre du Monde. On le prouve : Toutes les parties de la terre tendent au centre par leur gravité ; Aristote le dit dans le texte, et cela est véritable. Or la partie plus pesante pousserait l’autre partie jusqu’à ce que le centre de la gravité totale de la terre se trouvât au centre du Monde ; et alors les deux parties, également graves, encore que l’une soit de plus grand volume et l’autre de volume plus petit, se maintiendraient l’une l’autre comme le font deux poids dans une balance. »

Sur l’équilibre de la terre, nous voici très exactement renseignés ; songeons maintenant à l’équilibre des mers.

Qu’en vertu de sa pesanteur et de sa fluidité l’eau doive prendre la figure d’une sphère ayant pour centre le centre du Monde, Albert de Saxe l’admet dans tous ses raisonnements, encore qu’il ne reproduise pas la démonstration si connue qu’Aristote en donnait au Hepi Oèpavou. Il prend soin, d’ailleurs, de reprendre ceux qui, de la sphéricité de l’eau, cher¬