Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/212

Cette page n’a pas encore été corrigée
209
L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

ex illa portione terræ et totali terra residua medium gravitatis fiat medium mundi. »

Le principe qui vient d’être formulé renferme la solution d’une difficulté dont Burley avait déjà touché quelques mots et que l’Occamisme de Buridan avait jugée sans fondement ; cette difficulté, Albert de Saxe l’expose en ces termes[1] :

« Chacune des’parties de la terre est située de telle sorte qu’elle se trouve violentée ; la terre entière ne saurait donc être naturellement située. Voici la preuve de la prémisse : Le centre de gravité de chaque partie de la terre n’est pas le centre du Monde ; chaque partie de la terre n’est donc pas naturellement située, car pour qu’un corps grave soit naturellement situé, il est requis que son centre de gravité soit le centre du Monde. — Ad situm naturalem corporum gravium requiritur quod centrum gravitatis eorum sit medium mundi. »

À cette objection, Àlbert ne répond pas ; mais la réponse découle évidemment des principes qu’il a posés dans sa Physique ; chacune des parties de la terre ne tend pas à ce que son centre de gravité particulier soit au centre du Monde ; elletend à ce que le centre de gravité de l’ensemble formé par toutes les parties soit au centre du Monde.

C’est d’ailleurs la réponse qu’à la même époque, Nicole Oresme formulait très explicitement contre de telles objections.

« Et pour ce mieux entendre, écrivait F Évêque de Lisieux[2], je argue contre.

» Premièrement que il [Aristote] dit que le milieu ou centre est le lieu où les parties de terre tendent ou sont meues. Et tel centre est un point indivisible qui ne peut rien contenir et ne peut estre équal à quelcunque corps. Et tout lieu contient le corps qui est en tel lieu et est équal à lui, si comme il appert ou quart [livre] de Phisique.

» Item, il dit que toutes les parties de terre tendent à un seul lieu naturèlement. Et nature ne entent oncque chose impossible. Et c’est impossible que plusieurs corps soient en un lieu, car ce seroit pénétracion de dimencions, si comme il appert ou quart de Phisique.

1. Alberti de Saxonia Quæsffones in libros de Cælo et Mundo ; lib. Il, quæst XXV. (Quæst. XXIII ap. ed. Parisiis, 1516 et 1518.)

2. Nicole Oresme, Le livre d’Aristote qui est dit du Ciel et du Monde ; livre II, ch. XVII. « Ou XVIIe chapitre, il monstre par une autre raison qu’il ne peut estre fors un seul monde. ». Bibliothèque Nationale, fonds français, ms. no 1.083, fol. 15, col. a et b.

  1. 1
  2. 2