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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Alors, toutes les sphères qui auront pour centre ce centre de la terre seront dites homocentriques… »


IV
L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — JEAN BURIDAN REPREND ET DÉVELOPPE LA THÉORIE D’ALEXANDRE D’APHRODISIAS


Influence néo-platonicicienne développée par Albert le Grand,’ influence nominaliste émanée de Guillaume d’Ockam, ces deux tendances si différentes s’étaient mises d’accord pour dicter à Jean Buridan, dans ces Questions sur la Physique d’Aristote, une théorie du lieu naturel de la terre d’où toute considération de Mécanique se trouvait exclue. Que l’auteur de cette théorie en dût venir un jour à reprendre, au sujet de l’équilibre de la terre, les raisonnements de Statique indiqués par Alexandre d’Aphrodisias, à développer ces raisonnements au point d’en tirer une doctrine complète, c’était chose invraisemblable. Cette chose invraisemblable devint cependant vérité.

Jean Buridan a développé sa nouvelle doctrine à deux reprises, dans ses Questions sur le traité du Ciel et dans ses Questions sur les Météores.

Sa palinodie ne fait guère que mettre en pleine évidence le disparate des propos tenus par le Philosophe lui-même, au sujet du lieu naturel, dans la Physique, d’une part, et dans le Traité du Ciel, d’autre part.

Dans ses Questions sur le Traité du Ciel, il discute plusieurs des suppositions, par lesquelles on avait tenté d’expliquer comment l’eau ne recouvre pas toute la terre ; de cette discussion, citons quelques passages[1] :

« Il y a à ce sujet, dit notre auteur, trois grandes opinions.

» Certains admettent qu’un quart seulement de la terre est habitable ou quasi-habitable ; d’autres, au contraire, prétendent que d’autres quartiers de la terre sont habitables ; parlons d’abord de cette dernière opinion.

» Les partisans de cette opinion disent donc que la terre et l’eau sont toutes deux concentriques au Monde, en sorte que

1. Questiones super libris de celo et mundo magistrî Johannis Byridani rectoris Parisius ; lib. II, quæst. VII : Septimo consequenter queritur utrum tota terre sit habitabilis. Bibliothèque Royale de Munich, cod. lat. 19.551, fol. 87, col. c et d.

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