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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

» Le Commentateur en conclut que si la terre se meut vers la surface concave de l’eau, elle ne se meut pas vers elle en tant qu’elle est surface de l’eau, mais en tant qu’elle se trouve à telle distance de l’orbe de la Lune. Si donc l’air ou le feu se trouvait là où l’eau réside maintenant, une masse de terre se mouvrait vers la surface, par laquelle cet air ou ce feu toucherait et contiendrait la terre, tout comme à présent elle se meut vers la surface concave de l’eau…

» L’air, donc, qui est actuellement contigu à la terre, ce n’est pas en tant qu’air qu’il est lieu naturel de la terre, mais en tant que sa surface concave est à telle distance du ciel. »

La pensée de Buridan est très nette. Autour du point géométrique qui est le centre de l’orbe de la Lune, une surface sphérique est tracée, déterminée par la distance qui la sépare de la concavité du ciel. Cette surface a reçu de l’influence céleste, certaines vertus et qualités qui la rendent propre à contenir la terre ; placée hors de la sphère que délimite cette surface, une masse de terre se mouvra pour gagner cette sphère ; placée dans ce volume, cette masse demeurera en repos, car elle résidera en son lieu naturel ; qu’on donne si l’on veut à cette sphère entière le nom de centre du Monde et l’on pourra dire, alors, que la terre a pour lieu propre le centre du Monde ; c’est ce qu’Albert le Grand avait proposé ; cette proposition donnera satisfaction au principe occamiste qui refuse au point mathématique toute réalité ; ne nous étonnons donc pas si Buridan l’adopte.

Par exemple, en ses Questions sur la Métaphysique d’Aristote[1], il est amené à définir ce que les astronomes désignent par les noms de sphères homocentriques et de sphères excentriques ; voici la précaution qui précède cette définition :

« Il faut savoir que, dans le Monde, le centre naturel est la terre elle-même. On ne saurait y supposer un centre indivisible, si ce n’est par imagination. Imaginons toutefois un point au milieu de la terre et regardons-le comme centre du Monde.

1. In Metaphysicen Aristotelis. Quæstiones arguiissimæ Magistri Joannis Buridani in nltima prælectione ab ipso recognitæ, et emissæ : ac ad archetgpon diligenter repositæ : cum duplice indicio : materiarum videlicet in fronte ; et quæstionam in operis calce. Vænundantur Badio. Colophon : Hic terminantur Metaphysicales quæstiones brèves et utiles super libres Metaphysice Aristotelis quæ ab excellentissimo magistro Ioanne Buridano diligentissima cura et correctione ac émendatione in formam redactæ fuerunt in ultima prælectione ipsius Recognitæ rursus accuratione et impensis Iodoci Badii Ascensii ad quartum idus Octobris MDXVIII. Deo gratias. Lib. XII, quæst. X : Utrum in corporibus coelestibus ponendi sunt epicycli. fol. lxxiii, col. b. .

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