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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — II

doué. Cette résistance, Aristote l’attribue entièrement à l’air ambiant ; cette doctrine lui fournit un de ses principaux arguments contre la possibilité du vide ; dans le vide, un grave n’éprouverait aucune résistance ; sa chute serait donc instantanée.

À l’encontre de cette théorie d’Aristote,’Roger Bacon entreprend[1] de prouver qu’en un grave qui tombe, il n’y a pas seulement une pesanteur naturelle qui joue le rôle de puissance, mais encore une violence interne qui résisterait à cette puissance lors même que le milieu ambiant serait supprimé.

« Les physiciens estiment, dit le célèbre Franciscain, que la descente des graves est entièrement naturelle et qu’il en est de même de l’ascension des corps légers en sorte que ces deux mouvements ne comportent aucune violence. Mais une figure géométrique (fig. 1) suffit à nous montrer le contraire. Soient, en effet, D B C, une pierre ou un morceau de bois placé dans l’air, A le centre du Monde et G H un diamètre du Monde. Comme les trois points D, B, gardent toujours, au sein du tout, les mêmes distances mutuelles, il faut qu’ils descendent vers le centre suivant des lignes parallèles ; D descendra donc par la ligne D E, B par la ligne B A et C par la ligne C O. D tombera donc hors du centre du Monde, sur le diamètre H G, en un point plus rapproché du Ciel, savoir le point E ; C tombera de même en O. En cette descente, D s’éloignera du centre A et s’approchera du Ciel selon la distance A E, et C selon la distance A O. Mais toutes les fois qu’un grave s’éloigne du centre pour se rapprocher du Ciel, il y a violence. D et C se meuvent donc de mouvement violent, et il en est de même de toutes les parties du corps D B C, sauf de la partie B qui va seule au centre. Il se produit donc ici une grande violence. »

Quant à la première question, nous voyons Walter Burley préoccupé d’y répondre.

Selon Burley[2], le lieu naturel de l’élément terrestre n’est pas

1. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, Partis IVæ dist. IV, cap. XV ; éd. Jebb, pp. 103-104, numérotées par erreur 99-100 ; éd. Bridges, vol. I, pp. 167-169.

2. Burleus Super octo libros physicorum, lib. IV, tract. I, cap. I ; éd, Venetiis, 1491, 3e fol. après le fol. sign. m 4, col. c.

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