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LA THÉORIE DES MARÉES

qui s’élève ; c’est pourquoi les anciens Égyptiens disaient que le Soleil attirait l’humidité destinée à la nourriture de tous les corps célestes. »

Nous reconnaissons, dans quelques-uns de ces principes, l’écho des paroles d’Abou Masar ; mais nous y retrouvons également un souvenir des pensées de Guillaume d’Auvergne.

L’influence de Guillaume se marque plus nettement encore dans le chapitre[1] où Albert « montre la cause véritable du flux et du reflux de la mer. »

« L’eau de la mer, dit-il, est dense (spissa) et salée à cause de la substance terrestre qui s’y trouve mêlée ; elle demeure longtemps immobile en un même lieu, ce qui la rend fétide ; en outre, elle a grande étendue en largeur et profondeur. » En vertu de sa densité, elle retient fortement et longtemps toute vapeur engendrée dans son sein ; de sa salure, elle tient une chaleur naturelle grâce à laquelle de la vapeur s’élève aisément dans ses profondeurs ; son immobilité fait que la chaleur solaire demeure longtemps en elle, la corrompt et la transforme en sel et en une substance fétide ; d’autre part, sa grande masse est cause de la longue ébullition qu’elle éprouve, lorsque la vapeur qu’elle contient l’émeut avant de s’échapper peu à peu. Cette vapeur lui communique deux mouvements. L’un part du fond de la mer et aboutit à la surface ; on le nomme ébullition et effervescence de la mer. L’autre est l’écoulement superficiel (superfusio) ; il se produit à la surface de la mer ; une masse d’eau s’étend sur une autre masse d’eau qui lui est voisine ; alors s’échappent la substance fétide et la vapeur subtile que contenait cette eau. Aussi un des pronostics par lesquels ceux qui sont au làrge reconnaissent la prochaine ébullition des eaux de la mer, c’est l’odeur fétide qui commence à se répandre avec la vapeur subtile ; celle-ci se dégage de la mer avant que la mer se mette en mouvement. Un autre pronostic, c’est le vent qui s’élève lorsque la vapeur devient plus grossière et plus forte ; et tout aussitôt après, la mer entre en ébullition. Ces mêmes signes permettent à ceux qui habitent au bord de la mer de reconnaître que lè flux se produira bientôt et que l’eau va envahir le rivage. »

Les observations invoquées par Albert, à l’appui de l’idée fausse qu’il tient de Guillaume, ne sont pas inexactes ; on sait

1. Albebti Magni Op. land., tract. II, cap, V ; Et est digressio declarans vel ostendens veram causam accessionis maris in communi, et excludens errores quæ sunt circa hæc.

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