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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

les montagnes terrestres… Les eaux de l’Océan, surtout en s’avançant vers le milieu, sont plus hautes que les montagnes de la terre.

» Voici enfin la cinquième conséquence qui résulte de la susdite descente : Quand, marchant sur terre, on se dirige vers la mer, on doit dire qu’on descend…

» En effet l’eau, prise en sa nature primitive, devait entourer la terre, car toute partie de l’eau avait inclination au centre de la terre, qui est le centre de l’Univers. Mais Dieu a disposé que cette sphère de l’eau aurait inclination à un même lieu, » c’est-à-dire à un même centre distinct du centre de la terre et de l’univers, « afin que la terre ferme apparût… »

» On voit ainsi la raison pour laquelle l’eau, en quelque endroit de la terre qu’on la mette, s’écoule naturellement et descend vers la mer, à moins qu’elle n’en soit empêchée… Et de là résulte qu’on doit dire d’un homme qu’il descend lorsqu’en marchant sur terre, il se dirige vers la mer… En effet, selon la commune façon de parler, les lieux de la terre que les eaux délaissent en s’écoulant sont dits plus élevés que les lieux vers lesquels elles coulent. »

À cette disposition par laquelle le centre de l’élément aqueux se trouve séparé du centre du Monde, Paul de Burgos ne veut attribuer aucune raison naturelle ; la volonté directe de Dieu l’a seule produite. « Il est évident que cela dépend seulement de la toute puissance de Dieu, ainsi que l’ineffable providence divine ; cette providence, qui dispose toutes choses d’une manière harmonieuse, a donné aux eaux, d’admirable façon, un lieu connaturel, afin qu’elles ne recouvrent plus toute la terre… Cela est assez manifeste, car ce changement qui a séparé le centre de l’eau du lieu qui lui revenait dans la production primitive pour le mettre en un autre lieu fort distant n’a pu être causé que par Dieu ; de lui seul la nature tient son institution. »

Paul de Burgos soutient, de la manière la plus explicite, les doctrines que rejetait la Quæstio de duobus elementis ; il reprend la théorie de Joannes de Sacro-Bosco ; il y joint une considération que nous n’avons rencontrée chez aucun de ses prédécesseurs.

« Quelle est, dit-il, la distance d’un centre à l’autre, ? Il est fort difficile de le découvrir par les moyens humains ; mais il suffit que cette distance soit assez grande pour que les susdites conséquences en découlent. On peut, d’une manière