Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

un centre séparé du centre de la terre et de l’Univers ; de même, au dire des astronomes qui ont soigneusement étudié les mouvements des astres, le centre de certains orbes planétaires est distinct du centre de l’Univers ; à ces orbes, ils donnent le nom d’orbes excentriques vel egressæ cuspidis ; il en est question au quatrième livre de l’Almageste et dans d’autres parties de cet ouvrage.

» Cette diversité, cette distance mutuelle du centre de la terre et du centre de l’eau a été voulue par Dieu, de telle façon qu’il en résultât cinq conséquences qui se rapportent à notre objet.

» De ces conséquences, voici la première : Encore qu’il se rencontre, en divers lieux, de nombreux amas d’eau, cependant, toutes les eaux qui sont sous le ciel sont réunies vers un même lieu, conformément à la disposition voulue par Dieu. Toute masse d’eau, en effet, a une égale inclination vers le centre de l’élément aqueux comme toute masse de terre vers le centre de la terre. Nous tenons ainsi le sens véritable de cette parole : Que toutes les eaux se réunissent vers un même lieu. Cèla signifie : Que toutes les eaux qui sont sous le ciel tendent vers un même lieu, c’est-à-dire vers un même centre distinct du centre de la terre ; que toutes les eaux se réunissent vers ce centre comme toutes les parties de la terre se réunissent vers le centre de la terre. Cette réunion a véritablement lieu dans tous les amas d’eau, dans les fleuves, dans les étangs, dans les citernes ; toutes les eaux, en quelque endroit qu’elles se trouvent, ont naturelle inclination au centre de l’eau ; dès là qu’elles sont débarrassées de tout obstacle, elles coulent vers ce centre ; ainsi les parties de la terre, lors même qu’elles se trouvent en l’air, qu’elles sont suspendues au-dessus de la terre, gardent inclination à leur propre centre.

« Voici maintenant la seconde conséquence entraînée par la distance en question : L’eau ne recouvre pas toute la terre ; elle en laisse à découvert une certaine partie, selon ce que requiert la mutuelle distance dès centres ; c’est pourquoi il est dit dans l’Écriture : Que la terre ferme apparaisse !

» De cette distance des centres résulte une troisième conséquence… puis une quatrième conséquence, qui est celle-ci : Sur le rivage de la mer, la terre et la mer sont de même hauteur ; mais lorsqu’on s’avance en mer en s’éloignant du rivage, la mer devient toujours plus haute que la terre… Et, parfois, on s’avance assez au large pour que la mer soit plus élevée que