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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE


XIII
LES VOLUMES DES SPHÈRES ÉLÉMENTAIRES
SELON THOMAS BRADWARDINE


Parmi les théories sur la figure des éléments qui avaient cours au xiiie siècle, il en est une dont la Quæstio de duobus elementis n’a pas touché mot ; c’est celle-ci :

Les masses totales des divers éléments doivent être égales entre elles, en sorte que les volumes des quatre sphères élémentaires doivent être proportionnels aux volumes spécifiques des corps simples qui les remplissent.

On admet, d’ailleurs, que ces volumes spécifiques sont décuples les uns des autres ; la sphère aqueuse doit donc être décuple de la sphère terrestre ; les volumes occupés par l’air et par le feu doivent être cent fois et mille fois le volume de la terre.

Cette théorie se heurtait à une contradiction qu’on n’avait pas remarquée. Elle entraîne, en effet, cette conséquence : La surface sphérique qui contient le feu élémentaire enferme un volume égal à 1111 sphères terrestres. Or les astronomes pensaient avoir déterminé avec certitude le rapport du rayon de la concavité de l’orbe de la Lune au rayon terrestre ; le rapport qu’ils avaient obtenu ne donnait nullement, entre les sphères auxquelles appartiennent ces deux rayons, un rapport égal à 1111.

Cette objection frappa Thomas Bradwardine., De la théorie qu’elle condamnait, il garda la première supposition : Les volumes des sphères élémentaires sont les uns aux autres dans un rapport constant. Mais il se garda bien de se donner a priori la valeur de ce rapport ; il prit comme connues par les déterminations des astronomes la grandeur de la sphère terrestre et la grandeur de la concavité de l’orbe de la Lune, et il calcula le rapport inconnu de telle façon que l’eau, l’air et le feu pussent remplir exactement l’intervalle entre la terre et la sphère de la Lune.

Ce calcul est exposé dans le Tractatus de proportionibus editus a Magistro Thoma de Bradewardin Anno Domini MoCCCoXXVIIIo. Il en occupe la fin[1].

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 14.576, fol. 261, col. a, b et c. Les éditions imprimées du Tractatus proportionium de Bradwardine ne reproduisent pas cette partie.