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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Mantoue, il s’éleva une certaine question, qui, discutée plusieurs fois suivant l’apparence plus que suivant la vérité, n’avait pas encore été résolue. Aussi, comme j’ai été nourri continuellement depuis l’enfance dans l’amour de la vérité, je n’ai pu laisser cette question sans la discuter, et il m’a été agréable de montrer la vraie solution, et de détruire les arguments contraires, soit par amour de la vérité, soit par haine de l’erreur. Et de peur de beaucoup d’envieux qui, en l’absence des personnes, fabriquent à leur insu des mensonges nuisibles, et modifient ce qui avait été bien dit, il me plaît de laisser sur ces feuilles, par écrit de ma propre main, tout ce qui a été démontré, et de reproduire, à l’aide de la plume, la forme entière de l’argumentation. »

Le nom de l’auteur se retrouve encore à la fin de la pièce, et la date de la discussion y est jointe[1] :

« Cette démonstration philosophique a été donnée alors que l’invincible seigneur Can Grande de la Scala commandait à Vérone, pour le saint et sacré empire romain. Elle l’a été par moi, Dante Alagherius, le moindre des philosophes, dans l’illustre ville de Vérone, dans le temple de la glorieuse Hélène, en présence de tout le clergé de Vérone, sauf quelques-uns qui, brûlant d’une trop grande charité, n’admettent pas les prières des autres, et qui, pauvres du Saint-Esprit, par la vertu de l’humilité, s’enfuient pour ne pas assister aux discours des autres, de peur de paraître approuver leur excellence. Et ceci a été fait en l’année mille trois cent-vingt de la nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, le jour du Soleil, que notre Sauveur ci-dessus nommé nous a enseigné à vénérer, l’ayant choisi pour le jour de sa glorieuse naissance et de son admirable résurrection. Ce jour fut le septième après les ides de Janvier et le treizième avant les calendes de Février. »

La Quæstio de duobus elementis dont on ne possède aucun manuscrit, dont on n’a relevé aucune mention avant l’édition de 1508, est-elle véritablement de Dante Alighieri ? C’est un point que les érudits ont débattu avec passion. Une multitude d’auteurs[2] ont tenu pour l’authenticité de l’opuscule. Une foule de critiques en ont affirmé le caractère apocryphe. Si l’opinion de ceux-là ne trouve à s’étayer que de raisons fort peu solides, l’affirmation de ceux-ci révèle trop souvent une connaissance

  1. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 24 ; éd. cit., pp. 55-57.
  2. Pour la bibliographie de ce débat, voir l’Introduzione storico-critica de G. Bonfitto ; éd. cit., pp. VII-XXIII.