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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

La parenté naturelle (connaturalitas) qui caractérise le lieu propre à chaque élément dépend uniquement de la distance à l’orbe céleste. Ce sont donc nécessairement des surfaces sphériques concentriques au ciel qui séparent les uns des autres les divers lieux propres. Selon l’ordre de l’Univers tel que Graziadei vient de le décrire, l’eau devrait entourer la terre de toutes parts. Comment se fait-il qu’il n’en soit pas ainsi ? Notre dominicain ne nous le dit pas. Mais nous savons qu’il concevait le rôle de la nature universelle exactement comme l’avaient conçu Bacon et Pierre d’Abano. Il est donc permis de penser que c’est à cette nature qu’il avait recours, lorsqu’il voulait expliquer pourquoi les lieux naturels des éléments ne sont pas bornés, en fait, par des surfaces sphériques concentriques


XII
LA QUESTION DE L’EAU ET DE LA TERRE ATTRIBUÉE À DANTE ALIGHIERI


En 1508, on publia à Venise une Quæstio de duobus elementis aquæ et terræ que l’éditeur donnait comme œuvre authentique de Dante Alighieri[1].

Cette attribution résultait clairement des premières lignes de l’ouvrage, si toutefois ces premières lignes n’étaient pas l’œuvre d’un faussaire. Elles disaient, en effet[2] :

« À tous et à chacun de ceux qui verront le présent écrit, de la part de Dante Alagherius de Florence, le moindre parmi ceux qui sont vraiment philosophes, Salut en Celui qui est le principe de la lumière de vérité.

» Qu’il soit manifeste à vous tous que, lorsque j’étais à

  1. Questio florulenta ac perutüis de duobus elementis aquae et terrae tract ans, nuper reperta que olim Mantuae auspicata. Veronae vero disputata et decisa ac manu propria scripta, a Dante Fiorentino poeta clarissimo, quam diligenter et accurate correcta fuit per reverendum Magistrum Ioannem Benedietum Moncettum de Castilione Arretino Regentem Patavinum ordinis Eremitarum divi Augustini sacraeque Theologiæ doctorem excellentissimum. — Colophon : Impressum fuit Venetiis, per Manfredum de Monteferrato, sub Inclyto principe Leonardo Lauredano, Anno domini MDVIII sexto Galen. Novembris.

    Nous avons fait usage de l’édition suivante :

    La «Quaestio de Aqua et Terra di Dante Alighieri. Edizione principe del 1508 riprodotta in facsimile. Introduzione storica e transcrizione critica del testo latino di G. Boffito con Introduzione sçientiflca del Ing, O. Zanotti-Bianco e Proemio del Doit. Prompt. Cinque versioni : italiana. (G. Boffito), francese e Spagnuola (Doit. Prompt), inglese (S. P. Thompson) e tedesca (A. Muller). Firenze, Léo S. Olschki, Editore, 1905.

  2. La « Quæstio de Aqua et Terra », § 1 ; éd. cit., pp. 3-5.