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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Les éléments se trouvèrent ainsi distingués les uns des autres et placés dans les lieux qui leur reviennent. »

Un peu plus loin, Nicolas de Lyre écrit encore[1] :

« La vertu divine, a creusé la terre de concavités dans lesquelles les eaux ont été reçues ; une partie de la terre, alors, se montra découverte, et les éléments apparurent en leurs lieux, distincts les uns des autres. »

Si Nicolas de Lyre ne cherche pas, à l’existence des continents, d’autre raison que le dessein, formé par Dieu, de préparer l’habitation des animaux et de l’homme, du moins semble-t-il, comme Andalò di Negro, restreindre Feau à la petite quantité que contiennent des cuvettes creusées à la surface de la terre ; il n’admet évidemment pas que le volume total de l’eau surpasse le volume occupé par la terre.

C’est d’une pure et simple explication finaliste que se contente Francesco Stabili, dit Cecco d’Ascoli. Dans son Commentaire à la Sphère de Joannes de Sacro-Bosco[2], il se demande « Pourquoi la forme orbiculaire fait défaut à la terre plutôt qu’aux autres éléments. » Voici sa réponse : « Je dis que la nature ne fait rien en vain ; elle accomplit toujours l’œuvre la meilleure ; ayant fait l’homme, pour qui toutes choses ont été faites, elle laissa découverte cette partie de la terre, afin que l’existence fût conservée à l’homme et aux animaux. Ce passage a donné lieu à de multiples opinions que j’omets pour cause de brièveté ; mais ceci est vérité ; Dieu a, par sa puissance, fait qu’il en fût ainsi, selon ce qui est écrit : « Qu’elles se rassemblent, les eaux » qui sont sous le ciel et que la terre ferme apparaisse. »


XI
LE RECOURS À LA NATURE UNIVERSELLE. — PIERRE D’ABANO.
JEAN DE JANDUN. GRAZIADEI D’ASCOLI


Au lieu de recourir franchement à la finalité pour lui demander compte de l’ordre des éléments, certains physiciens ne lui adressent qu’un appel déguisé ; à l’exemple de Roger Bacon et de Thomas d’Aquin, ils imaginent, sous le nom de Nature

  1. Nicolas de Lyre, loc. cit. ; éd. cit., t. I, col. 23.
  2. Pour les diverses éditions de cet ouvrage, voir : Deuxième partie, ch. X, § VIII, t. IV, pp. 263-264.