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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

« D’autres ont dit que la terre et l’eau ne formaient qu’une sphère ; que l’eau tout entière se trouvait contenue dans les concavités de la surface terrestre. Pour les raisons qui vont être dites, cette opinion nous semble celle qui mérite le mieux d’être affirmée.

» Considérons le diamètre du Soleil, qui contient cinq fois et demie le diamètre de la terre ; tenons compte de la distance qu’il y a entre la terre et le Soleil, soit au périgée, soit à l’apogée ; calculons enfin la grandeur ou la petitesse de l’ombre que la terre doit projeter à chaque distance ; déterminons la largeur de cette ombre au lieu où, au moment d’une éclipse, passe la Lune, soit qu’elle se trouve à l’apogée de son épicycle, soit qu’elle se trouve au périgée. Nous ne trouvons pas que cette ombre soit plus grande que ne doit l’être celle du diamètre de la terre.

» Or si la sphère de l’eau était plus grande que la sphère terrestre, il faudrait qu’elle fît une ombre plus grande que celle de la terre. Peut-être dira-t-on que l’eau est un corps diaphane et qu’un corps diaphane ne porte pas d’ombre. Je dis que l’eau porte nécessairement une ombre. Les plongeurs en font bien l’expérience lorsqu’ils explorent les profondeurs de l’eau ; plus, disent-ils, ils descendent profondément, plus ils trouvent que l’endroit est obscur. Si donc la faible profondeur que les plongeurs peuvent atteindre, et qui ne dépasse pas vingt pas, suffît à produire une différence de clarté, assurément, l’épaisseur de la sphère aqueuse, qui est beaucoup plus grande, devrait aussi produire une obscurité ou une ombre beaucoup plus considérable. Cela nous est également— montré par le verre ; c’est un corps diaphane et, cependant, plus il est épais, plus il produit d’ombre ou d’obscurité. »

Accordons à Andalò Di Negro que si la sphère de l’eau était beaucoup plus grande que la sphère terrestre, c’est l’ombre de celle-là, non l’ombre de celle-ci, qui nous cacherait la Lune lorsque cet astre s’éclipse. Cette proposition n’est pas douteuse. Examinons le raisonnement astronomique de notre auteur. Ce raisonnement peut se résumer ainsi : Avant toute étude des éclipses de Lune, on connaît les rapports que le diamètre du Soleil et que les distances du Soleil et de la Lune à la terre présentent au diamètre de la sphère dont les continents recouvrent une partie ; dès lors, l’observation des éclipses de Lune permet de déterminer le rapport, au diamètre terrestre, du diamètre du corps qui, par son ombre, cache la Lune au moment