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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

sitas) ; c’est sur cette bosse que se trouve la terre habitable ; avec l’eau, cette bosse forme une sphère unique ; l’eau couvre toute la terre, excepté cette bosse ; comment cela se fait, nous l’avons décrit complètement dans notre Hexaemeron.

» Sachez, toutefois, que, dans cette bosse, sont creusées de grandes vallées remplies par la Mer Méditerranée ; que de grandes montagnes s’y dressent, comme nous le voyons. Cette grande bosse, donc, fait avec l’eau, une sphère unique ; elle a de profondes vallées où pénètre la mer, parce que l’eau court toujours au lieu le plus bas ; dans ces vallées, donc, viennent couler des bras de mer qui demeurent unis à la grande mer.

» Dès lors, si la mer ne recouvre pas toute la terre, c’est que, pour la recouvrir, il lui faudrait monter ; et sa pesanteur, qui ne lui permet pas de monter, l’empêche de couvrir la terre. » De cette grosse bosse, dont le dos forme les continents, quelle doit être la hauteur ? C’est ce qu’exprime l’Opus hexaemeron.

La réponse à cette question suppose la connaissance des volumes respectifs de la terre et de l’eau ; en sorte que nous voici conduits à ce problème : Quels rapports y a-t-il entre les volumes des divers éléments ?

« Nous croyons, écrit Gilles[1], qu’il y a autant de matière dans un élément que dans un autre élément ; toutefois, les éléments s’engendrent et se détruisent sans cesse en se transformant les uns dans les autres ; aussi n’est-il pas nécessaire que cette égalité entre leurs quantités de matière se maintienne toujours d’une manière absolument rigoureuse, mais qu’entre deux de ces quantités, il n’y ait jamais d’excès notable.

» Quand un élément est plus rare qu’un autre, il est nécessaire, d’après cela, que le premier occupe plus d’espace que le second ; et cela parce que le premier est plus rare, plus formel que le second, et parce qu’il est le contenant du second.

» Nous croyons que l’air est dix fois plus rare que l’eau, car le Philosophe dit qu’un volume d’eau se transforme en dix volumes d’air. Or nous avons dit que, par leur quantité de matière, les éléments étaient équivalents entre eux. Si, sous forme d’air, à cause de la rareté de cet air, la même quantité de matière occupe dix fois plus d’espace que sous forme d’eau, nous dirons que la sphère aérienne est dix fois plus volumineuse que la sphère aqueuse. De même, comme nous croyons le feu

  1. Ægidii Romani Opus hexaemeron, pars II, cap. XXV.