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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Partant, la terre garde sa position au centre du Monde, tandis que, par la vertu céleste, l’eau se trouve limitée par une surface excentrique à l’Univers.


VIII
GILLES DE ROME


Cette opinion, qui a la faveur de Ristoro d’Arezzo, est vivement combattue par Gilles de Rome, aussi bien dans ses Questions sur le Second livre des Sentences[1] que dans son Opus hexaemeron[2].

Dans ces deux ouvrages, mais particulièrement dans le dernier, le savant Ermite de Saint Augustin traite avec grand développement de l’équilibre de la terre et des mers.

« Certains veulent, écrit-il[3], qu’à la parole de Dieu, les eaux se soient réunies en une sorte d’amoncellement unique, afin que la terre ferme pût apparaître. Aussi déclarent-ils nettement que l’eau est plus élevée que la terre, que c’est le pouvoir divin qui retient la mer et l’empêche de recouvrir la terre… De cette manière, donc, les eaux paraissent rassemblées, car elles forment une sorte de montagne ou d’amoncellement ; la force de Dieu les retient, comme avec des portes et des barres, pour les empêcher de couvrir la terre.

» Mais, nous l’avons dit, il est inutile de recourir au miracle, quand nous pouvons donner, de la Sainte Écriture, une explication naturelle…

» Or, il est certain que l’eau, qu’un liquide quelconque, ne se borne pas lui-même par un terme qui lui soit propre ; il est naturel que l’eau descende et tende aux lieux les plus bas. Si donc l’eau était ainsi rassemblée à la façon d’une sorte d’amas, si elle était plus élevée que la terre, c’est contre sa nature qu’elle

  1. Ægidii Romani Super secundo libro Sententiarum opus. Dîst. XIV, quæst. X : Utrum opus tertiæ diei debeat dici congrégatio aquarum. — Quæst. XII — Dubitatur de navi distantl a littore, quare non viditur ibi terra sicut in littore.
  2. Ægidii Romani Opus hexaemeron, pars II, cap. XXIV, XXV, XXVI, XXVII.
  3. Ægidii Romani Opus hexaemeron, pars II, cap. XXIV.