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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

trionale, car elle est remplie de constellations et d’une grande multitude d’étoiles. »

Cette partie du ciel, qui est la plus dense, aura donc la vertu et la puissance de découvrir la terre et de la maintenir découverte. « Ainsi la pierre d’aimant doit soutenir le fer et le tirer vers elle ; mais si la pierre d’aimant n’avait pas la vertu propre à soutenir le fer et à l’attirer, le fer ne serait pas soutenu par elle et ne se dirigerait pas vers elle. De même, si le ciel n’avait pas la vertu propre à découvrir la terre et à la maintenir découverte, le ciel ne pourrait accomplir ici-bas son opération, la génération ne serait pas, et le Monde serait gâté. Dès là donc que le ciel a vertu d’opérer sur la terre, il lui faut aussi posséder la vertu de déplacer l’eau et de maintenir la terre découverte, vis-à-vis surtout de la partie la plus forte du ciel, qui est la partie septentrionale. En cela concordent ces deux principes, que les corps supérieurs ont Seigneurie et puissance sur les corps inférieurs, et que toute la vertu des corps inférieurs est maintenue par les corps célestes. »

C’est donc aux forces célestes que la terre ferme doit de demeurer à découvert, et cela sous la partie septentrionale du ciel, qui est la plus puissante. Mais, cette proposition admise, une nouvelle question se pose[1] : « Est-ce à la terre d’être mue par la vertu du ciel et tirée hors de l’eau pour demeurer ensuite découverte, ou bien la terre doit-elle demeurer en son lieu, tandis que l’eau est mue et déplacée ? »

Voici la réponse de Ristoro :

« Il est raisonnable que l’action du ciel s’opère dans l’ordre. Or, tandis qu’elle se transmet, la vertu du ciel entre par la sphère du feu, puis elle traverse la sphère de l’air, enfin elle rencontre la sphère de l’eau avant celle de la terre ; elle déplace donc l’eau, et la terre demeure découverte en telle proportion qu’il est requis pour que l’opération des cieux s’accomplisse. » Une vertu qui se propage en vue d’opérer sur deux choses doit, comme de juste, opérer d’abord sur celle qui est la plus proche ; or la sphère de l’eau est plus près du ciel que la sphère terrestre ; il est donc raisonnable que la vertu du ciel opère d’abord sur l’eau et la tienne entr’ouverte…

» En outre, l’eau est plus légère que la terre ; raisonnablement, donc, c’est plutôt à elle d’être déplacée qu’à la terre, qui est plus grave, d’être soulevée. »

  1. Ristoro d’Arezzo, Op. laud., lib. VI, cap. II ; pp. 147-148.