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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

de l’eau[1]. L’eau est-elle de figure sphérique ? L’eau occupe-t-elle un volume plus grand que celui de la terre ? L’eau est-elle plus élevée que la terre ? Telles sont les trois interrogations auxquelles l’auteur entreprend de répondre.

« Voici ce qu’il faut répondre à la première de ces interrogations :

» Les éléments peuvent être considérés à deux points de vue.

» En premier lieu, ils peuvent être considérés d’une manière absolue, au point de vue de leurs natures propres. À ce point de vue, il est naturel que l’eau contienne la totalité de la terre, comme l’air contient la totalité de l’eau. On dit qu’au début, les choses furent instituées de cette façon.

» D’une autre manière, les éléments peuvent être considérés comme subordonnés’(ex ordinatione) à la génération des mixtes, vers laquelle les meuvent d’autres causes. À ce point de vue, la situation qui leur convient est celle qui fut instituée plus tard. C’est pourquoi, aussitôt après que la terre s’est montrée, en certaines de ses parties, découverte d’eau, la Genèse parle de la génération des plantes. En effet, selon l’enseignement du Philosophe au livre de la Génération, pour que chaque mixte puisse être composé des quatre éléments, il faut que les trois éléments inférieurs se rencontrent au lieu où ces mixtes s’engendrent, et qu’on y trouve aussi les rayons du Soleil, qui sont au lieu du feu. Or cela n’arriverait point si l’eau, de toutes parts, couvrait la terre. C’est pourquoi, par la vertu divine, toutes les eaux ont été rassemblées en un même lieu.

» D’ailleurs ce qui advient aux éléments par l’effet de la force motrice des corps célestes n’est pas contre nature, comme le dit le Commentateur au troisième livre Du Ciel et du Monde. On le voit par le flux et le reflux de la mer ; ce mouvement n’est pas naturel à l’eau considérée comme corps grave, car il n’est pas dirigé vers le centre ; cependant, il est, pour l’eau, un mouvement naturel, car cette eau est mue par le corps céleste qui se sert de la lumière à titre d’instrument. À plus forte raison en doit-on dire autant des effets produits au sein des éléments en vertu de la divine coordination (ex ordinatione divina) grâce à laquelle subsiste toute la nature élémentaire. »

Ce passage est intéressant, en dépit de la confusion qui y règne ; disons mieux ; ce qui le rend intéressant, c’est la confusion qui y règne.

  1. Ms. cit., fol. 75, col. b.