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LA THÉORIE DES MARÉES

refroidissant de la Lune ; c’est cependant de cette dernière gue Guillaume va maintenant nous entretenir.

« Il se peut, écrit-il, que la vertu de la Lune accroisse l’inteùsité du froid.

» Vous savez déjà que le froid coagule les vapeurs en gouttes de pluie ; c’est là ce qui produit la chute de la pluie, ce qui engendre les torrents, ce qui détermine la crue des fleuves et des cours d’eau ; si le froid opère de la sorte dans la région supérieure de l’air, à plus forte raison produira-t-il des effets semblables et plus intenses dans les lieux inférieurs où se trouve son siège et le principal séjour de sa vertu. »

De cette remarque, que Guillaume ne développe pas, il semblerait résulter que la Lune condense les bulles de vapeur contenues dans l’eau de la mer, bien loin de provoquer l’ébullition de cette eau ; l’apparition de la Lune au-dessus de l’horizon d’un lieu devrait donc, en ce lieu, déterminer le reflux, non le flux.

Si Guillaume a parlé du pouvoir refroidissant de la Lune, c’est afin de mettre cet astre en antagonisme avec le Soleil et, par là d’expliquer, d’une manière fort insuffisante d’ailleurs, la période mensuelle de la marée. Voici ce qu’il écrit à ce sujet :

« Les augmentations, et les diminutions des mers paraissent suivre l’apparition, l’augmentation et la diminution de la lumière sur la Lune. Peut-être aussi la vertu de la Lune est-elle empêchée par la conjonction de la Lune avec le Soleil ; alors, en effet, la Lune arrête les rayons solaires et, partant, fait obstacle à la vertu par laquelle le Soleil échauffe la terre et les mers. Peut-être, aussi, la conjonction avec le Soleil empêchet-elle la vertu même de la Lune d’exercer son opération sur la mer, car il est certain que l’opération du Soleil est contraire à la susdite opération de la Lune. Quoi qu’il en soit, tandis que croît peu à peu la distance de la Lune au Soleil, la vertu de la Lune va se renforçant jusqu’à ce que la lumière de cet ajstre apparaisse dans son plein ; alors, cette vertu, délivrée pour ainsi dire de tout empêchement, exerce complètement son opération sur tout ce qui est froid et humide ; à ce moment, donc, la mer et toutes les autres choses que je vous ai précédemment citées atteignent la plénitude de leur augmentation. Puis, lorsque la Lune revient vers le Soleil, on voit diminuer la lumière qui apparaît en elle, et alors se produit une diminution de toutes les choses qui sont froides et humides, dans les mers, dans les animaux et dans les plantes.