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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

Les indications que contient ce passage sont développées par Campanus dans son Traité de la sphère.

Dans un premier chapitre[1], Campanus entreprend de décrire la forme, l’ordre et la situation naturels des éléments. »

« La situation naturelle des éléments, leur ordre et leur figure sont ce que je vais dire :

» Imaginez que la terre soit exactement sphérique et que toute la masse de l’eau soit répandue autour d’elle sous forme d’une couche sphérique ; que, de même, l’air environne, sous forme d’une couche sphérique, toute la sphère de l’eau ; enfin que le feu ait la figure d’une couche sphérique contenant les trois sphères précédentes. Les quatre éléments susdits seront exactement sphériques, exactement concentriques ; ils auront tous pour centre commun le centre de la terre. Telle est la situation finale, l’ordre final, la forme finale des éléments »

Cette disposition naturelle des éléments n’est pas actuellement réalisée. Campanus va nous en dire la raison au chapitre suivant[2], où il nous expliquera « pourquoi la sphère de l’eau n’est pas entière. »

« Si l’eau n’a pas, de toutes parts, recouvert la terre d’une couche sphérique, ce fut en vue de celui qui est la fin de la création, de l’homme.

» L’homme et nombre de choses qui lui sont nécessaires ne sauraient exister que sur la terre ferme. Aussi, le Créateur de toutes choses, jetant les yeux sur l’ordre naturel des éléments que nous venons de décrire, et ordonnant d’avance ces éléments à la fin qu’il se proposait, a dit : Que les eaux qui sont sous le ciel se réunissent en un même lieu, et que la terre ferme apparaisse.

» Il ne faut pas entendre par là que les eaux, perdant la forme sphérique, se sont gonflées et soulevées ; il faut entendre que la terre, dans la partie qui, à présent, se montre ferme, s’est élevée sous forme d’une île interrompant la sphère de l’eau, et qu’elle a perdu son exacte sphéricité. L’eau, en effet, à cause de sa fluidité, ne peut être bornée que par un terme étranger, la terre, au contraire, grâce à sa dureté et à sa cohésion, peut se borner d’elle-même. L’inégalité dont nous venons de parler, qui consite en un écart par rapport à la figure sphérique, n’eût pas été possible pour l’eau ; mais il l’a été pour la terre. Tout corps pesant tend vers son centre de manière

  1. 1Tractatus de Sphæra editus a Magistro Campano Novariensi, cap. IV.
  2. Campani Novariensis Op. laud., cap. V.