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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Et il est voirs[1] que la mer siet sor la terre, selonc ce que li contes a devisé çà en arrière au chapitre des Élémens, donc est ele plus haute que la terre ; et se la mers est plus haute, donc n’est il mie merveille des fontaines qui sordent sor les hautismes montaignes, car il est propre nature des aigues que eles montent tout comme eles avalent. »

Ce principe fort juste eût suffi à convaincre Brunetto Latini, s’il y eût prêté quelque attention, que l’Océan ne pouvait demeurer plus haut que la terre ; il n’eut point souci de cette contradiction ; l’absurde opinion qu’il tenait de Joannes de Sacro-Bosco était, sans aucun doute, très communément répandue au xiiie siècle, parmi les gens peu capables de raisonnement scientifique.

Michel Scot, dans son commentaire au Traité de la sphère, se montre beaucoup plus péripatéticien que Joannes de Sacro-Bosco.

« La terre, dit-il[2], considérée en tant qu’élément, est d’uniforme rondeur ; les montagnes et les vallées sont comme des points. ; elles ne font pas, en raison de leur grandeur, obstacle à la rotondité de la terre, car, en comparaison de la terre entière, elles ne produisent qu’une éminence petite ou nulle. » Par les mêmes raisons, on peut prouver que l’eau est ronde ; on en peut donner des raisons mathématiques et des raisons physiques.

» La première est celle-ci : Tout fluide se laisse borner par un terme étranger, l’eau, donc, en coulant à la surface de la terre qui est arrondie doit nécessairement recevoir une forme arrondie. « La même proposition est rendue évidente par la raison géométrique qu’Aristote pose au livre Du Ciel et du Monde. » Et Michel Scot de donner, sous une forme si concise qu’elle en devient incompréhensible, la démonstration de la sphéricité des mers tirée de la pesanteur et de la fluidité de l’eau. Il poursuit en ces termes :

« À l’encontre de cette proposition, on voit que la terre n’est pas entièrement entourée par l’eau, mais demeure en partie découverte. On demande donc pourquoi l’eau ne contient pas la terre de toutes parts, de même que l’eau est contenue

  1. Voirs = vrai.
  2. Eximit aique excellentissimi physicorum motuum cursusque siderei indagatoris Michaelis Scoti super Auctore sphere cum questionibus diligenter emendatis. Incipit expositio confecta Illustrissimi Imperatoris Domini D. Federici precibus. — Au chapitre commençant par ces mots : Item videtur quod terra non sit rotunda.