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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

III. Queritur deinde utrum aer sit locus aque vel, si non sit, queritur quid sit locus aque.

IV. Queritur de loco terre, et primo queritur quid sit locus terre, et quia videtur quod aqua, queritur utrum aqua sit locus terre.

V. Queritur postea de loco terre, et primo queritur quid sit locus terre, et queritur utrum aqua sit locus terre vel centrum.

« La partie ultime du ciel est-elle le lieu du feu ? » demande Roger Bacon. « Il ne paraît point ; le lieu, en effet, et ce qu’il loge doivent être congénères ; or la nature élémentaire n’est pas congénère de la nature céleste ; celle-ci ne saurait donc être le lieu de celle-là. »

À cette objection, notre maître ès arts répond :

« Dans le ciel, il y a deux natures, la nature particulière et la nature universelle ; celle-ci est une admirable puissance du lieu ; le lieu en participe d’une manière complète et le corps logé d’une manière incomplète ; par cette nature, celui-là est apte à retenir et loger celui-ci, tandis qu’il ne l’est pas par la nature particulière ; par cette nature universelle, le ciel et le feu sont suffisamment congénères. »

Et tout aussitôt, Bacon prend soin de nous déclarer « que cette nature universelle ne souffre point le néant, et que le vide, c’est le néant. » La nature universelle dont il est ici question, c’est donc bien elle que nous avons vue en œuvre dans les mouvements qui évitent la production du vide.

Le lieu de l’air va fournir des considérations semblables. « Le lieu conserve le corps logé. Or, au dire d’Aristote, la partie ultime du feu corrompt la partie ultime de l’air. Le feu n’est donc pas le lieu de l’air. » De cette difficulté, voici la solution :

« Le feu peut être considéré à deux points de vue. Il peut être considéré au point de vue de la nature universelle, qui est une admirable puissance ; c’est la nature céleste dont participent, à la fois, le lieu et le corps logé. Il peut être également considéré au point de vue de la nature dont provient la contrariété, c’est-à-dire de la nature élémentaire. Manifestement, celle-ci n’est point lieu, car elle corrompt ; celle-là, au contraire, conserve. »

À cette affirmation : La concavité de l’air est le lieu de l’eau, notre auteur prévoit cette objection : « Le lieu doit être égal au corps logé ; or la concavité de l’air est plus étendue que la convexité de l’eau », puisqu’elle recouvre aussi la surface de la terre ferme. C’est encore la considération de la nature universelle qui va résoudre cette difficulté :

« Selon l’ordre de la nature particulière, la partie ultime de