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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Lorsque nous disons, écrit Averroès[1], qu’un fragment de terre se meut vers le bas, en tant que le semblable se meut vers son semblable, il faut entendre par là que ce fragment se meut vers son lieu et non pas vers la terre totale… La terre ne se meut donc pas vers la terre, comme certains le pensent… Si les parties d’un élément se mouvaient vers le tout de cet élément, comme le semblable vers son semblable, les parties se mouvraient alors vers le tout, en quelque lieu que fût ce tout ; partant, si la terre était placée au contact de la surface concave de l’orbe de la Lune, c’est vers elle que les pierres se mouvraient… Or si la terre était au contact de la surface concave de l’orbe de la Lune, ce n’est point vers elle que les pierres se mouvraient, mais vers le lieu qui se trouve en bas. »

Ce sont là propos fort nets ; mais ceux-ci ne le sont pas moins, qu’Averroès formule[2] lorsqu’il commente, au quatrième livre de la Physique, la théorie du lieu naturel.

« Puisque le lieu est la partie ultime du contenant, il est juste que chaque corps se trouve porté vers son lieu propre lorsqu’il est porté vers la partie ultime du corps qui lui est propre. En effet, tout corps est naturellement mû vers la partie ultime d’un autre corps jusqu’au moment où il touche ce dernier corps ; et ce corps, vers lequel il est mû, lui est congénère. La cause, donc, pour laquelle chaque corps est mû vers son lieu propre, c’est que la partie ultime du corps contenant a une certaine convenance avec la partie ultime du mobile…

» Partant, tout corps qui se meut vers un autre corps, de mouvement naturel et non de mouvement violent, est congénère à ce corps. Or on voit qu’un corps mobile se meut vers la partie ultime du corps contenant ; et tout corps qui se meut naturellement vers autre chose est congénère à cette autre chose ; la partie ultime du contenant est donc nécessairement congénère [au corps qui se meut naturellement vers elle].

» Ainsi en est-il pour la partie ultime concave de chacun des éléments. C’est pour cette raison que l’eau se meut vers la partie ultime de l’air quand elle est dans le lieu qui lui est propre au sein de l’Univers ou quand elle est violemment placée, en quelque autre lieu…

» Un corps est à l’égard du corps qui le contient comme est

1. Averrois Cordubensis In Aristotelis libros de Cælo Commentarii magni, lib. IV, summa secunda, comm. 22.

2. Averrois Cordubensis In libros physicornm Aristotelis commentarii, lib, IV, Summa prima, cap. X, comm. 48.

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