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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

Motékallémîn[1], d’être au-dessous de l’eau que d’être au-dessus d’elle. Qui donc alors lui assigna ce lieu ?… Cela peut-il avoir lieu autrement que par un être déterminant ? Et cet être déterminant est Dieu. »

Olympiodore, qui cherche dans la figure arrondie des gouttes de rosée la preuve que l’eau est de figure sphérique, ne nous fournit aucun motif de mettre au centre du Monde le centre de la surface des mers. Olympiodore, d’ailleurs, nous a dit que l’eau était plus élevée, ὑπερέχει, que la surface terrestre ; si : être plus élevé, signifie : être plus distant du centre du Monde, nous sommes amenés à penser qu’il plaçait le centre de la terre au centre de l’Univers et que, hors de ce point, il mettait le centre de la surface des mers. Mais les Arabes semblent avoir connu une autre doctrine. Cette doctrine garderait le principe invoqué par Aristote : L’eau, livrée à elle-même, coule toujours vers les lieux les plus bas, vers ceux qui avoisinent le plus le centre de l’Univers. De ce principe, elle conclurait, comme Aristote, que la surface des mers est une surface sphérique concentrique au Monde. Mais, conformément à l’opinion des Frères de la Pureté, elle écarterait le centre de la terre de ce centre commun de l’eau et du Monde, et placerait la ligne de jonction des deux centres dans le plan de l’équateur terrestre.

Cette théorie entraînait évidemment le corollaire que voici : Les parties de la terre ferme qui avoisinent l’équateur sont plus distantes du centre du Monde, donc plus élevées que les parties rapprochées du pôle. Dans les régions habitées, qui se trouvent au nord de l’équateur, la terre s’abaisse constamment du Sud au Nord ; les parties septentrionales du continent s’approchent plus du centre du Monde que les parties méridionales.

Que certains physiciens arabes aient admis cette proposition, nous le savons par le soin avec lequel elle se trouve réfutée dans ce traité Des éléments que le Moyen-Âge attribuait au Stagirite mais qui est, évidemment, d’origine arabe.

« Il a commis une erreur manifeste, lisons-nous dans cet ouvrage[2], celui qui, le premier, a dit : La partie méridionale de la terre est élevée, tandis que la partie septentrionale est contractée et déprimée. »

Le Livre des éléments nous dit alors quelle anecdote on invo-

  1. Moïse ben Maïmoun, dit Maïmonide, Le guide des égarés ; trad.S. Munk ; t. II, p. 427.
  2. Aristotelis Opera. Colophon : Impræssum (sic) est præsens opus Venetiis per Gregorium de Gregoriis expensis Benedicti Fontanæ Anno Salutifere incarnationis Domini nostri MCCCCXCVI Die vero XIII Julii. Fol. 468 (marqué 368), ro.