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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

d’un certain centre, entoure la terre et s’élève au-dessus de la surface de cette terre. — Τὸ ὕδωρ… οἳον σφαιρικὸν ὂν περὶ τι μὲν ὂν κέντρον τήν γῆν γέρεται καὶ ὕπερέχει τὴν ἐπιφανὲιαν αὐτῆς.

» La réalité même nous montre que cette affirmation est véritable ; lorsque de l’eau est répandue sur une table ou sur une feuille, nous la voyons prendre une forme renflée et bombée. »

Une telle théorie exige qu’on rejette l’explication de la figure des mers qu’Aristote avait tirée de la pesanteur de l’eau, et aussi l’explication plus savante que sur le même principe, Archimède avait construite ; ces deux explications, en effet, exigent également que la surface des mers soit une surface sphérique dont le centre coïncide avec le centre du Monde. Olympiodore abandonne certainement ces deux explications ; si la figure des mers est sphérique, c’est, à son avis, en vertu d’une puissance particulière à l’eau, puissance qui arrondit la surface terminale de toute masse d’eau ; de cette puissance propre à l’eau, les effets que nous attribuons aujourd’hui à la capillarité donnent, croit-il, la preuve expérimentale.

Cette théorie, nous l’avons déjà rencontrée[1] ; des citations empruntées à Sénèque, à Pline le Naturaliste, à Priscien de Lydie nous ont permis d’y reconnaître l’enseignement de Posidonius. Pour qui l’admet, la surface sphérique qui enclôt les eaux de la mer peut avoir un centre différent du centre de la terre et du Monde.

En demandant à la pesanteur la raison de la figure affectée par la surface des mers, en faisant, de la détermination de cette figure, un problème de Mécanique, Aristote avait proposé une idée de génie ; dans le développement de cette idée, la Mécanique céleste devait trouver un jour un de ses plus beaux, de ses plus difficiles problèmes. Mais voici que, sous l’influence d’étranges suppositions dont Aristote même a jeté la semence, cette idée s’est voilée ; on a cessé d’expliquer par les lois de la pesanteur la forme qu’affecte la masse de l’eau ; on y a vu l’effet d’une mystérieuse tendance de cet élément, d’une affinité entre sa nature et la sphère. C’était s’écarter, et pour longtemps de la saine méthode.

  1. Voir : Première partie, ch. XIII, § III ; t. II, pp. 283-284.