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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

tenir compte de l’eau qui, sous forme de nuées, est suspendue dans l’atmosphère.

« L’eau, dit-il[1], ne surpasse pas tous les éléments ; elle ne surpasse que la terre ; car depuis les nuées jusqu’à la terre, il y a de l’eau raréfiée, telle la vapeur, et il y a de l’eau contenue dans les cavités terrestres. Toute l’eau ainsi comprise surpasse la terre et par sa puissance, et par son volume. » D’autres physiciens regardaient ces explications comme insuffisantes ; tout en admettant qu’une partie de l’élément liquide se dissimule au sein de cavités dont la terre est creusée, ils supposaient que le centre de la terre n’est pas le centre de la sphère aqueuse ; la surface sphérique de l’eau, bien que contenant le centre du Monde, est décrite autour d’un autre centre. Telle était la théorie d’Olympiodore[2].

« L’eau, écrivait Olympiodore, forme une sphère unique ; elle remplit les cavités terrestres et, en même temps, elle se répand autour de la terre.

» La terre et l’eau, selon l’enseignement des astronomes, forment une sphère unique. Un aristotélicien[3] déclarerait qu’en cette sphère, il faut aussi comprendre l’air voisin de la terre ; [pour obtenir une sphère, en effet], il ne faut pas seulement combler les cavités, mais aussi atteindre le niveau des éminences et des sommets qui s’élèvent au-dessus de la terre ; car toute cavité, comme toute éminence, a la propriété de détruire la figure sphérique.

» Mais si l’eau est contenue dans la terre, comment pouvons-nous dire que l’eau est plus grande que la terre ? Le contenu n’est-il pas toujours moins étendu que le contenant ?

» Nous disons, nous, que l’eau contient aussi bien qu’elle est contenue. Si nous la considérons dans son rapport avec le centre, elle est contenant, car l’eau se trouve hors du centre, et elle contient le centre, c’est-à-dire la partie de la terre qui est la plus voisine du milieu… Que prétendons-nous donc ? Que l’eau n’a pas besoin de la terre, afin que cette terre la contienne. L’eau, qui est sphérique et qui est arrondie autour

  1. Joannis Philoponi Op. laud. ; éd. latine de 1551, fol. 105, ro ; éd. grecque de 1902, p. 29.
  2. Olympiodori In meteora Aristotelis commeniarii, Camotio interprete. Venetiis, 1555. Fol. 6, verso. — Olympiodori In Aristotelis meteora commentaria. Éd. grecque de Stüve, Berolini, 1900, pp. 27-28.
  3. L’aristotélicien, Ἀριστοτελικὸς ἀνήφ que visent ces propos d’Olympiodore n’est autre que Jean Philopon. Cf. Joannis Philoponi In Aristotelis meteorologicorum librum primum commentarii ; éd. latine, Venetiis, 1551, fol. 108, ro ; éd. grecque, Berolini, 1901, p. 37.