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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

Les divers commentateurs d Aristote ont été guidés par le désir de rendre la théorie de l’intelligence semblable à la théorie péripatéticienne de la substance ; de retrouver, dans l’intelligence, les équivalents de la matière, de la forme et du composé substantiel ; aussi ont-ils regardé 1 intelligence acquise, levaùç comme ce qui résulte de 1 union de 1 Intelligence active avec l’intelligence en puissance ; cette intention est particulièrement nette dans la doctrine de Thémistius.

tout autre est la pensée d’Al Fârâbi. Aucune des quatre intelligences qu il considère n’est, à deux autres intelligences, ce que le composé substantiel est à la matière et à la forme ; ces quatre intelligences se superposent de telle sorte que chacune d’elles jonc le rôle de forme par rapport à celle qui lui est immédiatement inférieure et le rôle de matière par rapport à celle qui lui est immédiatement supérieure.

Examinons les caractères qui définissent et hiérarchisent les • quatre intelligences.

Tout d’abord, « l’intelligence en puissance ’ est quelque chose comme une âme, ou une partie d’une âme, ou quelqu’une des forces d’une âme. » Par ces mots, assurément, Al Fârâbi entend, tout d’abord, affirmer que l’intelligence en puissance est unie à un corps. « C’est un être, poursuit-il, qui a capacité et disposition pour abstraire, en tout ce qui existe, les essences et les formes pour les séparer des matières oit elles résident et, de l’ensemble de ces formes privées de matière, pour se faire une forme à lui-même. »

J

Les formes qui sont unies à la matière dans les divers êtres sujets à la génération et à la corruption constituent l’intelligible - ; mais tant que ces formes demeurent unies aux matières qui, hors de l’Ame, leur servent de sujets, elles sont seulement intelligibles en puissance ; pour devenir intelligibles en acte, pour constituer, par leur ensemble, l’intelligible en acte, il faut d’abord qu’elles soient, par l’abstraction, détachées des matières qui les portent. Mais ces formes ne peuvent exister sans résider en un certain sujet, en une certaine matière3 ; une fois que l’abstraction les a détachées des matières extérieures à l’âme auxquelles elles étaient unies, il leur faut, pour continuer de subsister, trouver une nouvelle matière qui les reçoive ; l’intelligence passive leur fournit cette matière ; reçues en l’intelligence passive, ces formes sont r. Alfarabis Abhandlungen^ p. 66.

2. Alfaiubi’s Abiïand/ungen, pp, 68-69,

3. Alfarabi’s 4 6/iandtungen, pp. 66-67.