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L’ASTRONOMIE ITALIENNE

Que cet ouvrage où l’on trouve cité non seulement Boëce, mais encore Constantin l’Africain, Geber, Algazel, Averroès et les Tables de Tolède, ne soit pas de Boëce, cela ne saurait faire l’ombre d’un doute. Mais, par des rapprochements de textes qui offrent entre eux une ressemblance saisissante, Narducci est parvenu à démontrer, avec une vraisemblance bien voisine de la certitude, que la prétendue Philosophia Boetii est du même auteur que le Tractatus Sphæræ, de Barthélemy de Parme.

Commençons donc par l’étude de cette Philosophia Boetii notre examen des doctrines physiques de l’Astrologue parmesan.

Les indications données par Enrico Narducci sur le contenu de l’œuvre du Pseudo-Boëce, les fragments de cette œuvre qu’il a cités suffisent à justifier cette conclusion assez inattendue : La Philosophia Boetii n’est autre chose que le Περὶ διδαξέων de Guillaume de Conches ; seulement, la concision de ce dernier traité s’est diluée en un style prolixe, et des renseignements compilés dans des écrits plus récents sont venus le gonfler.

La vérité de cette conclusion apparaît dès la lecture du Proœmium [1] du Pseudo-Boëce ; dans cet éloge de la Sagesse, nous reconnaissons une simple amplification du préambule [2] mis par Guillaume de Couches en tête du premier livre de son ouvrage. L’amplification, d’ailleurs, n’est pas toujours si grande qu’elle parvienne à rendre méconnaissable le style primitif ; on en jugera par le rapprochement suivant :

Guillaume de Conches                        Pseudo-Boëce                   

…eloquentia sine sapientia nocet ; sapientia vero sine eloquentia, etsi pariun, tamen aliquid ; cum eloquentia autem maxime prodest. Errant non-nulli, qui postposita proficiente et non nocente, adhærent nocenti et non proficienti. Id namque agere, est conjugium Mercurii et Philologiæ, tanta cura virtutis et Apollinis quæsitum, omni conventu deorum appellatum, solvere..

Hii quoque conjugium Phylosophiæ ac Mercurii, tanto desiderio virtutis acquisitum, tantoque deorum conventu approbatum solvere nituntur ; qui relicta sapientia que prodest eloquentie, quia eloquentia, si sola fuerit, nocet, conantur adhrerere..

  1. Enrico Narducci, Op. laud., pp. 4l-42.
  2. Gulielmus de Conchis Περὶ διδαξέων ; Hirsaugiensis, pp. 1-2 ; Beda, Coll. 1127-1128 ; Honorius, coll. 41-43.

    (Sur le sens et la raison d’être de ces triples renvois, voir : Tome III, p. 91, note 1).