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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

langue des clercs, de donner à tout Italien curieux une encyclopédie scientifique clairement écrite en idiome vulgaire, tout cela était bien fait pour répandre cet ouvrage. De la faveur qu’il dut rencontrer, les manuscrits assez nombreux qu’on trouve encore dans les bibliothèques italiennes portent témoignage.

Avec le temps, cependant, l’oubli vint ; l’oubli favorable au plagiaire, l’oubli qui permet de secouer la poussière d’un antique ouvrage et de le produire au jour connue œuvre nouvelle.

Vers les premières années du Quattrocento, le livre de Ristoro d’Arezzo tomba dans les mains d’un tel plagiaire. Le philosophe Paul de Venise, alors célèbre en l’Université de Padoue, trouva le traité Della compositione del mondo et jugea bon d’en grossir son œuvre déjà volumineuse. Il en retrancha bon nombre de chapitres, souvent, hélas, les plus originaux et les plus intéressants ; les autres, il les abrégea quelque peu, les découpa en paragraphes accommodés à la mode scolastique, les mit en latin, y ajouta de-ci-de-là quelque argument nouveau ; cela fait, notre docteur publia sous son nom le traité De compositione mundi [1].

L’audacieux plagiat de Paul Nicoletti de Venise fut couronné d’un long succès ; il n’a été démasqué qu’en ces dernières années [2].

Un seul exemple nous suffira pour montrer avec quelle exacti-

  1. La première édition de cet écrit est la suivante :

    Expositio Magistri Pauli Veneti super libros de generatione et corruptione Aristotelis. Ejusdem de compositione mundi cum figuris. — Au fol. 103, col. a : Divi Pauli Veneti Theologi clarissimi : philosophi summi ; ac astronomi maximi Augustiniani libellus quem inscripsit de compositione mundi Aureus incipit. — Colophon : Pauli Veneti Theologi clarissimi ; ac philosophi summi liber aureus quem de compositione mundi edidit. Feliciter explicit. Correctus a proprio originali per venerabilem virum fratrem Jacobum Baptistam Aloyxium de Ravenna lectorem in conventu Venetiarum sancti Stephani. Impressus Venetiis mandato et expensis nobilis Viri Domini Octaviani Scoti Civis Modoetiensis duodecimo kalendas Junias 1498. Per Bonetum Locatellum Bergomensem Finis.

    Nous avons eu également en mains une édition ainsi intitulée :

    Paulus Nicoletti Venetus. Primus liber incipit de compositione mundi. Summa philosophie naturaliste clarissimi philosophi Pauli Veneti una cum libro de compositione mundi qui astronomie junua nuncupatur [quam] potest notissime recognita sine aliquo errore in luce etnissa. Venumdantur Parisius a Ponceto le Preux ejusdem civitatis bibliopola sub signo Lupi in vico divi Jacobi sedente. — Cette édition, donnée par les soins de Jean Dullaert de Gand, comme l’atteste l’épître dédicatoire, se termine par ce colophon : Hic finem accipit aureum opus de compositione mundi a Paulo Veneto omnium hominum doctorum sui temporis facile principe. Inipressum Parisius a Thoma Kees chalcographo expertissimo in platea carmelitarum commorante, in domo rubea sic vocata. Anno Domini MCCCCCXIII, XIII die mensis novembris.

  2. Par notre étude sur Léonard de Vinci et les origines de la Géologie (Études sur Léonard de Vinci, ceux qu’il a lus et ceux qui l’ont lu. Deuxième série, p. 325).