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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

d’un mouvement de rotation : « J’ai bien souvent regardé la Lune, dit-il, et j’y ai aperçu une certaine tache sombre ; mais je n’ai jamais pu y reconnaître l’image que certains prétendent y voir, à savoir la figure d’un homme qui porte un fagot d’épines sur le dos. Quoi qu’il en soit, on peut fort bien expliquer le fait que cette image ne paraît jamais renversée en attribuant à la Lune un mouvement de rotation spécial en sens contraire du mouvement de l’épicycle. »

On n’est pas obligé pour cela d’attribuer un mouvement semblable aux autres planètes ; « la Lune n’est point de même nature en toutes ses parties, comme le sont les autres étoiles ; l’influence exercée par l’une de ses faces pourrait différer de l’influence exercée par l’autre ; il n’en saurait être de même des autres étoiles ; on ne se doit donc pas étonner que la Lune puisse avoir un mouvement de rotation autour de son propre centre et que les autres étoiles soient dépourvues d’un semblable mouvement. »

Cette objection résolue, rien ne retient plus Albert de Saxe d’adhérer au système de Ptolémée « accepté par tous les astronomes modernes ». Ce système, il l’expose à l’aide des orbes solides agencés par les Hypothèses des planètes et dont, au xive siècle, se servaient tous les physiciens de Paris. Les principes sur lesquels repose l’emploi de ces orbes, il les énonce comme des propositions d’usage courant ; ici[1], il enseigne que les orbites des diverses planètes sont contiguës les unes aux autres ; ailleurs[2], il enseigne que la représentation du mouvement du Soleil exige trois orbites, une orbite inférieure dont la surface concave est excentrique au Monde tandis que la surface convexe lui est excentrique, une orbite supérieure dont la surface concave est excentrique et la surface convexe concentrique, enfin une orbite intermédiaire ; ailleurs encore[3], il énumère toutes les orbites qu’exige le système des Hypothèses et d’Ibn al Haitam pour représenter le mouvement d une planète ; il continue à donner à l’excentrique la figure d’une couche comprise entre deux sphères concentriques l’une à l’autre, et non point la figure d’un tore, comme l’avaient proposé Gilles de Rome et les Demonstrationes theoricæ planetarum.

Albert de Saxe, lorsqu’il discute le nombre des sphères célestes, propose[4] de compter dix sphères, la huitième étant celle des étoiles

  1. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros De Cœlo et Mundo ; lib. I, quæst. IV.
  2. Alberti de Saxonia Op. laud., lib. II, quæst. VI.
  3. Alberti de Saxonia Op. laud., lib. II, quæst. VII.
  4. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros De Cœlo et Mundo ; lib. II, quæst. VI.