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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


que par les œuvres du Pseudo-Aréopagite, la philosophie néoplatonicienne exerce sur eux une entraînante séduction à laquelle nous devons la grandiose métaphysique de l’Érigène. En même temps, le Commentaire de Chalcidius fait connaître aux Occidentaux l’hypothèse astronomique d’Héraclide du Pont sur les mouvements de Vénus et de Mercure.

Cette double influence, métaphysique et astronomique, exercée par le Commentaire au Timée de Chalcidius, se trouve singulièrement renforcée lorsque les Chrétiens d’Occident commencent à lire le Commentaire au Songe de Scipion composé par Macrobe. À cette lecture, ils s’adonnent avec une extraordinaire ardeur. Les opinions des philosophes païens, connues de la sorte, prennent sur leur raison une autorité qui contrebalance celle de l’Écriture ; ils rêvent d’expliquer scientifiquement la Genèse ; ils se laissent séduire par toutes les doctrines néo-platoniciennes et, en particulier, par la théorie de l’unité de l’intellect ; en même temps, leurs connaissances astronomiques se développent et se détaillent. Le De mundi constitutione, faussement attribué au Vénérable Bède, nous révèle l’état d’esprit d’un de ces lecteurs de Macrobe.

Avec Guillaume de Conches, nous allons constater que la bibliothèque des Scolastiques latins s’est encore enrichie. Dans les écrits de ce docteur, nous trouverons des citations de Lucrèce, dont l’influence atomistique se viendra mêler aux tendances néo-platoniciennes ; nous trouverons aussi des emprunts faits à Johannitius et à Constantin l’Africain.

Johannitius est une adaptation latine du nom arabe Honein.

Abou Zeid Honein ben Ishac ben Soleiman ben Ejjub el Hadi [1] était issu d’une famille arabe et chrétienne qui habitait à el-Hira ou dans les environs de cette ville. Il naquit à el-Hira où son père exerçait la profession d’apothicaire. Beaucoup d’auteurs ont placé sa naissance en l’année 194 de l’hégire (809 après J.-C.) ; Wüstenfeld pense qu’il dût naître environ vingt ans plus tôt.

Après avoir suivi à Badgad les leçons de Jahja Ben Mâseweih, il se mit à parcourir les villes grecques pour y acquérir la connaissance de la langue et des sciences helléniques, puis l’Arabie pour se perfectionner dans l’usage de l’Arabe ; il revint alors se fixer à Bagdad, où il traduisit en Arabe un certain nombre d’ouvrages grecs. La plupart des ouvrages traduits par Honein étaient relatifs à la Médecine ou à la Matière médicale ; parmi eux se trouvaient presque tous les ouvrages aujourd’hui connus d’Hippocrate et de

1. Sur ce personnage, voir : Wuestenfeld, Geschichte der Arabischen Aerste and Ndfarforscher, Gôttingen, i84o, art. 69, pp. 26-29.

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