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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


dit que les planètes ont une vitesse uniforme ; il dit cela parce que les planètes font un effort constamment égal à lui-même, mais non pas parce qu’elles avancent avec une vitesse uniforme. Des hommes qui nagent contre le courant, dans un fleuve impétueux, avec une vigueur égale, n’avancent pas également, car la force du courant leur oppose une résistance inégale. Ainsi une planète est tantôt mue d’une marche directe, tantôt elle est rétrograde, tantôt stationnaire, car la hauteur variable du cercle qu’elle parcourt quotidiennement l’empêche d’avancer avec une vitesse uniforme. »

La théorie des planètes dont les fragments épars se reconnaissent au Livre de la constitution du Monde admettait assurément que la trajectoire spirale d’un astre errant ne se trouvait pas partout à égale distance du centre du Monde, bien qu’elle demeurât comprise à l’intérieur d’un orbe limité par deux surfaces concentriques au Monde. « Les sphères, dit-ilont la Terre pour centre, mais les absides sont excentriques. Les absides sont les cercles sur lesquels se font les séparations des spires, sur lesquels on remarque les stations et les commencements des rétrogradations. En certaines régions, les absides sont plus voisins du firmament, en d’autres, ils le sont de la Terre. »

Le Pseudo-Bède sait comme le savait déjà Bède le Vénérable, qui tenait sa science de Pline, que les absides de chaque planète correspondent à des étoiles bien déterminées ; que le périgée et l’apogée sont diamétralement opposés sur la sphère céleste.

Si l’on rapproche les uns des autres ces divers passages, on arrive à cette conclusion qui nous parait mériter qu’on s’y arrête un instant :

La théorie des planètes dont le Pseudo-Bède s’est inspiré attribuait aux astres errants une marche toute semblable à celle que le système de Ptolémée leur reconnaissait ; seulement, au lieu de décomposer cette marche en mouvements plus simples, en rotations, elle laissait ce mouvement indécomposé, comme l’avait déjà fait Cléanthe.

Lorsque Averroès déplorait que les astronomes eussent abandonné trop tôt l’étude de la spirale, de la courbe leulabine, lorsqu’il affirmait que l’emploi de cette courbe pourrait rendre les mêmes services que le système des épicycles et des excentriques, n’avait-il pas quelque connaissance de la doctrine dont nous

1. Bède le Vénérable, toc. cit.

2. Bède le Vénérable, loc. cit., col. 8g4 : Quo tempore cursus perficiant planetæ,