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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Moins remarquables assurément que la première, les autres hypothèses proposées par le Pseudo-Bède sont cependant tirées de raisons purement naturelles : « La seconde consiste à supposer que les eaux demeurent au-dessus du ciel sous forme de vapeurs semblables aux nuées que nous voyons pendre ici-bas. La troisième suppose que, par l’effet de l’éloignement du Soleil, qui est la source principale de chaleur, le ciel aqueux s’est congelé et est devenu cohérent ».

C’est seulement après avoir énuméré ces diverses explications naturelles que le Pseudo-Bède mentionne l’explication surnaturelle d’Isidore de Séville : « Enfin, dit-il, on peut résoudre la difficulté par la puissance divine ; les eaux sont retenues en leur lieu par la volonté de Dieu, à l’aide d’un procédé inconnu des hommes ».

L’auteur du De constitutione mundi liber rapporte ici l’explication théologique d’Isidore sans lui donner la préférence sur les arguments purement physiques ; il semble même que son rationalisme s’accommode mieux de ces derniers. On éprouve souvent une impression du même genre lorsque cet auteur rapproche l’opinion des docteurs chrétiens de celle des philosophes païens, lorsqu’il écrit, par exemple, le passage suivant [1]1 : Au-dessus de ces eaux sont les cieux spirituels qui contiennent les vertus évangéliques ; selon d’autres, il n’y a rien que le vide ».

Ce n’est pas que le Pseudo-Bède soit le moins du monde incroyant ou hétérodoxe. Il se montre, au contraire, lorsque l’occasion lui en est offerte, adversaire décidé de l’hérésie. C’est ainsi qu’il maintient très nettement [2] la doctrine enseignée dans l’Église au sujet de l’âme humaine à l’encontre des doctrines proposées par diverses autres philosophies.

Parmi les opinions erronées qu’il s’attache à réfuter se trouve celle qui, à partir du xiiie siècle, à la faveur de l’autorité d’Averroès, devait lutter continuellement, au sein des nations occiden taies, contre l’orthodoxie chrétienne. « Il est des philosophes, dit notre auteur [3], selon lesquels il existe une Âme du Monde unique, qui remplit toutes choses, pénètre tout, vivifie tout. » — « Certains, dit-il encore [4], prétendent qu’il existe une seule âme, qu’ils nomment l’Âme du Monde ; c’est elle qui anime tout, qui infuse en chaque chose des puissances conformes à la capacité de cette chose. Aux astres, elle donne la raison ; aux hommes, seuls êtres,

1. Bède le Vénérable, loc. cil., col. 894 • De supercælestibus aquis.

2. Bède le Vénérable, loc. cil., coll. 903-904 : De certa aniniæ origine.

3. Bède le Vénérable, loc. cit., coi. 8go : dur slellæ videntur.

4. Bède le Vénérable, loc. cil., coll. yo2-yo3 : De anima mumli.

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