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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


des yeux et de l’esprit, j’observais les mouvements des astres, je suivais les sept planètes dans leurs courses irrégulières autour du Zodiaque. Autrefois, je disputais sur la nature et les propriétés de l’âme… Autrefois, je faisais en esprit le tour du Monde, ayant même pénétré jusqu’à la zone torride, où je plaçais des habitants ».

À l’imitation d’Hugues Métel, les Chartrains lisent assidûment le Commentaire au Timée de Chalcidius et le Commentaire au Songe de Scipion de Macrobe. Bernard Sylvestre de Tours, par exemple, fréquente Chalcidius, Macrobe et Martianus Capella.

Bernard Sylvestre a exposé sa doctrine dans uu curieux ouvrage, écrit partie en prose et partie en vers, qu’il a intitulé De Mundi universitate, et qu’il a offert, entre 1145 et 1153, à Thierry de Chartres.

Le De mundi universitate débute par le vers suivant [1] :

Congeries informis adhuc cum Sylva teneret.

Le nom de Sylva, donné à la Matière première, trahit, dès l’abord, l’influence de Chalcidius ; et Chalcidius semble, en effet, le principal inspirateur de l’œuvre où la pensée de Macrobe ne transparaît nulle part [2] au point de se laisser reconnaître avec certitude.

Il n’en est pas de même des Commentaires aux six livres de l’Énéïde qu’a composés le même Bernard Sylvestre. L’inspiration de Macrobe est avouée par la première phrase même de l’ouvrage, qui est la suivante [3] :

« Une observation minutieuse nous a convaincu qu’en la seule Énéïde, Virgile avait eu une double doctrine ; la chose est attestée par Macrobe, qui a enseigné la véritable philosophie de ce livre sans en oublier la fiction poétique. »

Les Scolastiques qui appartenaient à l’École de Chartres ou se rattachaient à cette École accordaient aux doctrines néo-platoniciennes de Chalcidius et de Macrobe cette confiance aveugle, et singulièrement dangereuse pour l’orthodoxie de leur foi, que Manégold reprochait à Wolfelm.

1. Notice sur Bernard de Chartres in : Histoire littéraire de la France par les Religieux bénédictins de Saint-Maur. 2* éd., t. XII, p. 270 ; 1869. — M. l’abbé Clerval a établi que Bernard Sylvestre de Tours, auteur du De Mundi universitate, n’était pas le même personnage que Bernard de Chartres, frère aîné de Thierry (A. Clerval, Op^ laud, , pp. 158-162).

2. Voir les extraits étendus du De Mundi universitate que Victor Cousin a donnés sous le nom de Bernard de Chartres (V. Cousin, Fragments philosophiques. Philosophie scholastique. Appendice IV. Seconde édition, Paris, i84o ; pp. 332-352).

3. Cf. : V. Cousin, Op. laud., pp. 358-359.

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