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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


inversement. À ceux-ci, notre auteur réserve le nom d’antipodes.

Ἀντοῖϰοι ἀντίχθνονες, antipodes, sont trois familles humaines qui n’ont, qui n’auront jamais commerce entre elles ni avec nous.

Manégold ne pouvait admettre l’existence de ces trois genres humains à tout jamais privés de la Bonne Nouvelle.

« Toutes ces choses », poursuit Manégold [1], « je les ai lues avec vous, et je vous répétais fréquemment qu’il les faut recevoir comme capables de donner une certaine notion de la sphère du Monde, mais qu’il ne s’y faut pas fier comme si elles étaient défendues par la vérité même. »

Saint Ive, qui fut nommé évêque de Chartres en 1090, et qui mourut en 1115, correspondait avec Manégold [2] ; il ne paraît pas, cependant, que la méfiance de ce dernier à l’égard de Macrobe ait gagné les écoles de Chartres ; en plein xiie siècle, les écolâtres chartrains continuaient à méditer le Commentaire au Songe de Scipion.

Dans la seconde moitié du xiie siècle, Hugues Métel, qui mourut vers 1157, écrit à un autre Hugues, probablement Hugues de Saint-Jean, qui enseigne à Chartres [3] : « Vous rappelez-vous notre première rencontre et la question que vous m’avez posée alors ? Je rêvais avec Scipion, avec lui je parcourais tout le Ciel, et vous m’avez demandé, si j’ai bonne mémoire, quid propinquius consideretur circa substantias, an qualitas, an quantitas. Le passage de Macrobe où j’en étais était celui-ci : Cogitations nostræ meanti a nobis ad superos occurrit prima perfectio incorporalitatis in numeris, Macrobe, m’écriai-je alors, me délivre de votre question, quand il me dit que l’esprit, en montant vers la substance, à partir de ce qui est au-dessous, c’est-à-dire des accidents, rencontre d’abord les nombres. C’est ainsi que j’ai été tiré par Macrobe de vos mains, c’est-à-dire des mains d’Hugues le Sophiste qui me voulait circonvenir. »

Dans cette même lettre, Hugues Métel nous apprend qu’il recueillait avidement les enseignements géographiques et astronomiques de Macrobe, sans se laisser effrayer par les opinions où Manégold flairait l’hérésie : « Autrefois », dit-il [4], «je calculais avec les arithméticiens ; je mesurais la terre avec les géomètres ; je m’élevais aux cieux avec les astronomes, j’en parcourais la vaste étendue

1. Manegaldi Opusculum... Cap. V : Quod sedufidum Apostolum taliâ probanda sunt, et ad sobrietatem christiahæ regulæ revocanaa. Éd. cit., p 114«

2. Abbé À, Ci.erval, Les écoles de Chartres au Moyen Age (Du V* au XVb siècle), p. i^7 » Thèse de Paris, »8p5.

3. A. Clerval, Op. laud., pp. 175-176.

4. A. Clerval, Op, laud., p. 184.

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