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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


gent de couleur ; d’où vient cette teinte variable ? C’est une question à laquelle Bède le Vénérable avait proposé [1] la réponse suivante :

« La couleur d’un astre errant est modifiée en raison de sa distance à la Terre ; cette couleur a une certaine ressemblance avec le fluide au sein duquel l’astre pénètre ; le passage dans un orbe différent lui communique une teinte différente ; un orbe plus froid fait pâlir la planète ; un cercle plus chaud la fait rougir ; une région propice aux vents lui communique une nuance horrible ; elle s’assombrit et devient plus obscure lorsqu’elle s’approche du Soleil, ou bien encore lorsqu’elle se trouve unie à son apside, qui est le point extrême de son orbite. »

Ce même problème de la couleur variable dès planètes préoccupe Jean Scot ; il se relie, pour lui, à la question si vivement débattue des eaux supra-célestes, eaux dont il refuse d’admettre l’existence.

« Certaines personnes, dit Jean Scot [2], pensent qu’il existe des eaux très ténues au-dessus du firmament, c’est-à-dire au-dessus des chœurs des astres.’Mais la considération des gravités et de l’ordre que les éléments doivent présenter réfute leur opinion. D’autres veulent que des eaux réduites à l’état de vapeur et presque incorporelles se trouvent au-dessus du ciel, et ils tirent argument de la teinte pâle des étoiles. Les étoiles, disent-ils, sont froides, et c’est pourquoi elles sont pâles ; mais, ajoutent-ils, il n’y a pas de froid là où la substance de l’eau fait défaut. Ils ne réfléchissent guère à ce qu’ils disent ; car là où le feu existe en substance, règne le froid… La puissance du feu est chaleur là où elle brûle ; mais elle est froid là où elle ne brûle pas ; et elle ne brûle pas, là où elle ne rencontre pas une matière en laquelle elle puisse brûler et qu’elle puisse consumer. Les rayons solaires ne brûlent pas lorsqu’ils-se répandent dans les espaces étliérés car, en cette substance très subtile et spirituelle, ils ne trouvent pas de matière qui leur permettre de brûler. Mais lorsqu’ils descendent dans la région de l’air plus dense, il semble qu’ils trouvent une matière en laquelle ils puissent opérer ; ils commencent alors à devenir ardents ; au fur et à mesure qu’ils pénètrent en des corps plus épais, ils exercent plus vivement leur pouvoir de brûler au sein de ces corps, que la force de la chaleur dissout ou peut dissoudre…

1. Bed.e Venerabilis De natura rerum Cap. XV [Bedæ Venerabilis Operum accurante Mig-ne tomus I {Patrologiæ latinœ tonaus XC) coll. 25o-25i].

2.Joannis Scoti Op. laud.f lib. III, 27 ; loc. cit., coll. 697-698.

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