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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE

» Le créateur de l’Univers, dit-il, a constitué ce monde visible entre deux extrêmes contraires l’un à l’autre, entre la gravité et la légèreté, veux-je dire, qui, l’une à l’autre, s’opposent absolument.

» La terre est constituée au sein de la gravite ; aussi demeuret-elle sans cesse immobile, car la gravité ne saurait se mouvoir ; la gravité est placée au centre du monde ; elle occupe une des extrémités, celle que le centre représente.

» Au contraire, la substance éthérée tourne sans cesse autour du centre avec une indicible vitesse, car la légèreté en constitue la nature ; elle ne saurait demeurer immobile ; elle occupe l’extrême frontière du inonde visible.

» Dans l’espace intermédiaire, deux éléments ont été placés, l’eau et l’air ; ils se meuvent constamment, mais leur mobilité est atténuée dans un certain rapport entre la gravité et la légèreté, de de telle sorte que chacun de ces deux éléments suive plutôt celui des deux corps extrêmes auquel il confine que celui dont il est éloigné. L’eau se meut plus lentement que l’air parce qu’elle est contiguë à la masse pesante de la terre ; l air, au contraire, est entraîné plus rapidement que l’eau, parce qu’il se trouve conjoint à la légèreté éthérée.

» Mais, bien que les parties extrêmes du Monde semblent s’opposer l’une à l’autre par la diversité de leurs qualités, elles ne sont pas, cependant, différentes en toutes choses. En effet, bien que la substance éthérée tourne avec une vitesse extrême, le chœur des astres garde une disposition immuable ; en tournant en même temps que l’éther, il ne quitte jamais son lieu naturel et, par là, imite la stabilité de la terre. La terre, au contraire, demeure éternellement en repos ; mais les choses qui naissent d’elles, imitant, par là, la légèreté de l’éther, sont sans cesse en mouvement ; elles naissent par génération, elles se multiplient dans l’espace et dans le temps, puis elles décroissent, jusqu’à ce qu’en elles, se brise le lien entre la forme et la matière ».

Il y a donc à la fois opposition et analogie entre les choses terrestres, soumises à la génération et à la corruption, mais privées de mouvement local, et les choses célestes qui tournent toujours sans éprouver aucun changement.

Examinons brièvement ce que Jean Scot professait au sujet du mouvement des astres.