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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


la lumière se propage par ondes sphériques exigeait qu’on corrigeât la loi de la propagation rectiligne et qu’on admit des effets de diffraction ; seulement, il n’a pas deviné l’extrême petitesse de ces derniers effets ; il a cru les observer, alors qu’il observait seulement une pénombre.

À l’appui de sa théorie, il entreprend de prouver que la lumière solaire, franchissant une ouverture dont le contoui’présente des angles, une ouverture triangulaire par exemple, ne donnera pas un faisceau dont la section soit circulaire. Son raisonnement, que l’absence de toute figure rend un peu difficile à suivre, est cependant à peu près exact ; il rappelle ceux de Witelo dont, assurément, il s’inspire. Le trou qui laisse passer les rayons n’est plus supposé très petit. Notre physicien ne voit pas qu’en négligeant les dimensions de ce trou, il déduirait de ses arguments mêmes la rotondité de l’image obtenue. On ne saurait lui en faire un reproche ; formés aux Mathématiques par l’étude des rigoureux Éléments d’Euclide, les physiciens du Moyen Âge ne conçoivent guère les approximations ; il ne leur vient pas à l’esprit de regarder comme nulles, dans leurs raisonnements, des grandeurs qui sont seulement très petites ; leur désir de ne formuler que des propositions rigoureuses leur cache souvent les vérités approchées dont la Physique est forcée de se contenter.

« Ainsi donc, conclut le traité que nous analysons, il est nécessaire que-les incidences lumineuses épousent la forme des ouvertures par lesquelles elles passent, du moins en ce qui concerne la force de radiation, à moins que celle-ci ne soit accompagnée de la force de diffusion. Cette conclusion, je me suis efforcé d’en donner une démonstration d’autant plus efficace que j’ai vu de grands hommes s’hébéter en cette matière, au point de soutenir que la rondeur de la tache incidente provient de l’intersection des rayons. » C’est sans aucun doute à Witelo que s’adresse cette diatribe.

On peut, dans l’exposé de notre auteur, distinguer trois explications des effets produits par la chambre noire, deux qu’il rejette, une qu’il accepte.

La première des explications rejetées attribue la rondeur de l’image à la rondeur du disque solaire ; elle invoque cette preuve expérimentale : Lors d’une éclipse de soleil, l’image se montre échancrée tout comme le disque de l’astre.

La seconde semble recourir à des constructions de pyramides lumineuses où n’intervient aucunement la figure de l’objet qui