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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


est tirée de cette observation : La lumière, passant par un trou anguleux, produit, sur l’écran qu’on lui oppose, une tache éclairée qui épouse la figure du trou. C’est cette dernière objection qui fournit à notre auteur l’occasion de décrire et d’expliquer l’expérience de la chambre noire.

Les contemporains de Bacon ont-ils, sans connaître les écrits de celui-ci, parlé de l’expérience de la chambre noire ? On cite,[1] à ce propos, l’opticien Witelo ou Witek. Disons d’abord ce qu’on sait de ce personnage ; c’est fort peu de chose.

En 1535, en 1551, enfin en 1572, parurent trois éditions d’un volumineux traité Περὶ Ὅπτιϰῆς en dix livres ; l’auteur était nommé Vitellio[2].

Les dix livres d’Optique dont nous parlons sont précédés d’une épitre dédicatoire qui est ainsi intitulée : « Veritatis amatori Fratri Guilielmo de Morbeta, Vitello filius Thuringorum et Polonorum… »

Guillaume de Moerbeke, à qui cette épître est adressée, est le traducteur dominicain bien connu qui a fourni à Saint Thomas d’Aquin les versions de l’Institution théologique de Proclus et des Commentaires au traité du Ciel composés par Simplicius ; c’est à lui seul que, jusqu’à ces dernières années, le monde a dû la connaissance du Traité des corps flottants d’Archimède[3]. Guillaume de Moerbeke fut nommé évêque de Corinthe le 22 octobre 1277 ; il

  1. Sebastian Vogl, Die Physik Roger Bacos. Inaugural Dissertation, Erlangen, 1906 ; p. 85.
  2. Vitellionis mathematici doctissimi Περὶ Ὅπτιϰῆς, id est de natura, ratione, et proiectione radiorum visus, luminum, colorum atque formarum, quam vulgo Perspectivam vocant, Libri X. Habes in hoc opere, Candide Lector, quam magnum numerum Geometricorum elementorum, quæ in Euclide nusquam extant, tam vero de proiectione, infractione, et refractione radiorum visus, luminum, colorum, et formarum, in corporibus transparentibus atque speculis, planis, sphæricis, columnaribus, pyramidalibus, concavis et connexis, scilicet cur quædam imagines rerum visarum æquales, quædam maiores, quædam minores, quædam rectas, quædam inversas, quædam infra, quædam vero extra se in aere magno miraculo pendentes : quædam motum rei verum, quædam candem in contrarium ostendant : quædam Soli opposita, vehementissime adarant, ignemque admota mater ia excitent : deque umbris, ac varijs circa visum descriptionibus, a quibus magna pars Magiæ naturalis dependet, Omnia ab hoc Autore (qui eruditorum omnium consensu, primas in hoc scripti genere tenet) diligentissime tradita, ad solidam abstrusarum rerum cognitionem, non minus utilia quam iucunda. Nunc primum opera Mathematicorum præstantiss. dd, Georgij Tanstetter et Petri Apiani in lucem ædita, Norimbergæ apud Io : Petreium, Anno MDXXXV.

    La seconde édition porte le même titre, mais avec la date MDLI.

    La troisième édition est celle de l’Opticæ Thesaurus qui contient également l’Optique d’Al Hazen ; elle est décrite dans la note 1 de la p. 506. C’est cette dernière édition que nous avons consultée.

  3. Voir : Tome I, p. 215.