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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


peler les phénomènes dûment observés dont les théoriciens devront forcément tenir compte :

« Dans les mouvements des planètes, on constate une triple variation. D’abord, une variation en latitude, car une planète ne demeure pas toujours à la même distance des pôles immobiles. En second lieu, une variation en longitude, car les diverses planètes ne parcourent pas le Zodiaque d’un mouvement uniforme. Enfin, une variation en distance ou proximité à la Terre ; la même planète est tantôt plus proche du centre de la Terre et tantôt plus éloignée, comme le montre Ptolémée dans son Almageste ; en effet, le diamètre apparent du disque de cette planète est plus petit ou plus grand selon que sa distance à la Terre est plus longue ou plus courte. Il en est ainsi, d’une manière visible, pour Mars, qui parait notablement plus petit quand il est à l’auge que lorsqu’il est à l’opposé de l’auge. On éprouve également cette vérité à l’aide de la Lune ; bien que le Soleil et la Lune se trouvent, en des circonstances diverses, à la même distance des nœuds lunaires, il arrive qu’en ces différentes circonstances, l’éclipse de Lune n’a pas même durée ; elle dure tantôt plus, tantôt moins ; cela serait impossible si la Lune ne pénétrait dans l’ombre de la Terre tantôt plus complètement et tantôt moins complètement ; il faut pour cela que le diamètre du cône d’ombre de la Terre se trouve tantôt plus grand et tantôt plus petit, là où la Lune traverse ce cône d’ombre… Ces considérations et d’autres encore, qui sont dues à Ptolémée, prouvent qu’une planète tantôt s’approche de la Terre et tantôt s’en éloigne.

» Les deux premières variations, savoir la variation de longitude et la variation de latitude, se pourraient peut-être expliquer en attribuant à chaque planète un ciel unique et en plaçant les pôles de ce ciel hors des pôles du Monde ; c’est ainsi qu’Alpétragius s’est efforcé de les expliquer dans son opuscule Sur la qualité des mouvements célestes.

» Alpétragius suppose que les pôles du ciel des étoiles fixes se trouvent en dehors des pôles du neuvième ciel ; il suppose donc qu’autour de ces derniers pôles immobiles, les pôles du huitième ciel décrivent de petits cercles. Il imagine également que le huitième ciel se meut autour de ses propres pôles ; mais il ne dirige pas ce moùveinent en sens contraire du mouvement du neuvième ciel ; il le dirige dans le même sens ; seulement, les pôles du huitième ciel ne reçoivent pas une influence aussi efficace que celle qui est donnée au neuvième ciel ; chacun de ces pôles n’achève pas son mouvement dans le temps où un point quelconque du huitième