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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


prétend que le nombre de ces intelligences est quarante-sept ou cinquante-cinq ; mais à ce propos, le Rabbin dit, dans son LXXXIIIe chapitre[1] : « Aristote a donc conçu et découvert de la sorte qu’il existe un grand nombre de cieux, et il a montré que le mouvement de l’un différait du mouvement de l’autre en vitesse ou en lenteur, bien qu’ils aient tous en commun un même mouvement circulaire ; il a donc indiqué d’une manière précise que le nombre des intelligences séparées est égal au nombre des cieux. Mais Aristote n’a pas indiqué avec précision, et personne après lui n’a certifié que le nombre des intelligences fût quarante ou bien cent ; il a dit seulement qu’elles sont en même nombre que les cieux. Or, de son temps, certains admettaient que le nombre des cieux étaient cinquante-cinq ; Aristote dit donc : Si le nombre des cieux est celui-là, il y a tout autant d’intelligences séparées ; car les Sciences mathématiques n’avaient guère de vigueur en son temps, et elles étaient encore fort imparfaites. » Ainsi parle le Rabbin. »

L’Écriture enseigne à Varon que le nombre des purs esprits est beaucoup plus grand que ne le croyait Aristote ; il est amené, par là, à contester l’autorité du Stagirite, ce qu’il fait en ces termes : « Lorsqu’un argument est du Philosophe et qu’il s’accorde avec la toute puissance de Dieu, c’est alors un véritable argument d’autorité ; mais s’il va contre la puissance de Dieu, il faut immédiatement le nier. C’est ce qu’il faut faire à plus forte raison dans le cas qui nous occupe, car les philosophes ont tous et constamment erré au sujet des anges. Aussi le Rabbin dit-il[2] : « Ce qu’Aristote a dit des êtres qui sont compris entre la sphère de la Lune et le centre de la Terre est vrai et au-dessus de tout doute ; [en ces questions], personne ne rejette Aristote et nul ne s’en écarte, sauf celui qui ne le comprend pas, ou bien encore celui qui s’est attaché à certaines opinions qu’il veut défendre ; ces opinions l’entraînent à nier ce qui est manifeste. Quant aux propositions formulées par Aristote sur ce qui se passe au-dessus de la sphère de la Lune, elles sont simplement vraisemblables, sauf quelques-unes d’entre elles. À plus forte raison, en est-il de même de tout ce qu’il a dit au sujet des intelligences et touchant les choses spirituelles, selon ce qu’il croit vrai ; il y a en son enseignement de nombreuses erreurs, une doctrine extrêmement dommagea-

  1. Moïse ben Maïmoun, Op. laud., seconde partie, chapitre IV (quatre-vingtième de tout l’ouvrage) ; trad. S. Munk, t. II, pp. 55-56.
  2. Moïse ben Maïmoun, Op. laud., seconde partie, chapitre XXII ; trad. S. Munk, t. II, p. 179.