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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


de telle éclipse particulière ; on voit, en effet, d’une manière sensible qu’en un certain temps, la Lune s’enfonce dans l’ombre plus qu’en un autre temps.

» On peut dire encore qu’elle ne saurait demeurer inaperçue, cette variation du pôle en vertu de laquelle une même étoile est vue tantôt sous un plus grand angle, tantôt sous un angle plus petit, et avec une différence si sensible. Les étoiles, en effet, sont vues tantôt sous des angles plus grands, tantôt sous des angles plus petits, sans aucun changement de l’œil ni du milieu. »

Contre l’hypothèse des mouvements homocentriques, notre auteur invoque une raison que nous n’avons rencontrée dans aucun ouvrage autre que le sien, et qui est celle-ci : La Lune, lorsqu’elle revient, dans le ciel, à une même position, ne reprend pas toujours la même parallaxe.

« On peut encore, dit-il[1], invoquer, à ce sujet, l’argument suivant :

» Si un même corps céleste, sur le même méridien, placé sur une même ligne joignant le centre du Monde au même point du Ciel, a, à l’égard du même climat [c’est-à-dire du même lieu terrestre], tantôt une plus grande parallaxe (diversitas aspectus in latitudine) et, tantôt une parallaxe moindre, c’est qu’à une certaine époque, il est plus proche du centre du Monde, et qu’il en est plus éloigné à une autre époque.

» Mais, lorsque la Lune se trouve, à la fois, au périgée de son excentrique et au périgée de son épicycle, elle a une plus grande parallaxe que lorsqu’elle se trouve, à la fois, à l’apogée de ces deux cercles. La Lune s’approche donc du centre du Monde à une certaine époque et s’en éloigne à une autre époque.

» Par parallaxe (diversitas aspectus), j’entends la portion de circonférence qui se trouve comprise, dans le ciel, entre deux lignes, dont l’une part de l’œil (a visu) et passe par le centre de la Lune, et dont l’autre, issue du centre de la terre (a centro terre), passe de même par le centre de la Lune[2].

» À ces dernières raisons, il est, je crois, impossible de répondre. »

Ces derniers mots nous annoncent clairement dans quel sens notre auteur va conclure :

« À la question posée voici ma réponse, dit-il.

» Jamais je n’ai entendu dire jusqu’à présent, je l’avoue, qu’on soit en état de sauver toutes les apparences et d’expliquer tout ce

  1. Ms. B, fol. 8, col. d, et fol. 9, col. a.
  2. Le copiste a mis : idem transiens per circumferentiam lune.