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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


personne, l’exciter à faire tout ce qu’il veut, sans en pouvoir, toutefois, contraindre le libre arbitre.

» Ainsi c’est cette Science qui fait toutes ces choses, à titre principal et en dominatrice ; l’Astronomie en est la servante en ce cas, comme elle est la servante de la Médecine lorsqu’il s’agit de choisir les temps propres aux saignées et aux médecines laxatives, ainsi qu’en une foule de circonstances...

» La Science expérimentale commande de même à toutes les sciences ouvrières, afin qu’elles lui obéissent, qu’elles lui préparent ce qu’elle veut, les moyens dont elle use pour produire les admirables effets de la nature et de l’art sublime. Similiter imperat omnibus aliis scientiis operativis, ut ei obediant, et præparent quæ viril, quibus utitur in admirandis effectïbus naturæ et artis sublimis. »

Celui qui a écrit ces lignes a pu chanter les louanges de la science expérimentale ; il n’a jamais compris ce que c’est que la méthode expérimentale.

Dès lors, ne nous étonnons plus que, dans le grand débat entre la Physique d’Aristote et l’Astronomie de Ptolémée, Bacon n’ait pas su délaisser sans merci le parti que l’observation condamnait ; qu’il ait mieux aimé contredire au témoignage des sens que bouleverser l’ordre imposé par le Péripatétisme à la Nature ; que le démenti formel de l’expérience ne lui ait pas semblé, pour une théorie physique, marque assurée de fausseté.


VII
BERNARD DE VERDUN

Pour rappeler à Bacon ce principe premier de toute science, pour en conclure que le système des sphères homocentriques doit être impitoyablement rejeté, et donc que le système de Ptolémée doit être admis, puisqu’il est le seul par lequel les phénomènes soient sauvés, il va se rencontrer un astronome. Franciscain comme Bacon, il empruntera à Bacon même les connaissances a moyen desquelles il le combattra.

Cet astronome se nomme Frère Bernard de Verdun.

« On lit[1] à la fin d’un manuscrit de la Bibliothèque Royale de

  1. Notices succinctes sur divers écrivains, de l’an 1286 à Van 1300, par Émile Littré ; in : Histoire littéraire de la France, ouvrage commencé par les religieux Bénédictins et continué par les membres de l’Institut. t. XXI, pp. 317-320 ; Paris, 1847.