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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

« On le voit encore par les éclipses de Lune. La Lune se trouvant à la même distance du nœud et, partant, à la même distance de l’axe du cône d’ombre de la Terre, ou même se trouvant au nœud et, partant, rencontrant l’axe même de l’ombre, demeure tantôt plus longtemps et tantôt moins longtemps dans l’ombre ; cela ne peut avoir d’autre cause que la largeur de l’ombre que la Lune doit traverser, largeur plus grande dans le premier cas que dans le second ; et comme l’ombre a la figure d’un cône dont la Terre est la base, il faut que la Lune soit plus rapprochée de la Terre lorsqu’elle traverse une ombre plus large, et plus éloignée lorsqu’elle traverse une ornière plus étroite.

» Mais cette raison pourrait être sauvée en invoquant le mouvement non-uniforme de la Lune, mouvement qu’Alpétragius sauve également, sans admettre ni excentrique ni épicycle ; aussi, de la grandeur variable de l’éclipse peut-on tirer une autre raison plus difficile à éviter ; en effet, la Lune se trouvant à la même distance du nœud et, partant, de l’axe du cône d’ombre de la Terre, il arrive que la partie éclipsée du corps de la Lune est tantôt plus grande et tantôt moindre ; il semble impossible que cela se produise sinon par l’effet de la proximité plus ou moins grande de la Lune à la Terre ».

Enfin, à qui rejetterait toutes ces raisons, il en resterait encore une à proposer « que peut soumettre à l’épreuve du témoignage de ses yeux non seulement celui qui est expert en Philosophie, mais encore celui qui est ignorant et inexpérimenté ». Les trois planètes supérieures sont d’autant plus grandes qu’elles sont plus près d’être en opposition avec le Soleil, d’autant plus petites qu’elles sont plus près de se conjoindre à lui. « Ce changement dans la grandeur de chacune des trois planètes est surtout apparent pour Mars… ; il l’est moins pour Jupiter… et moins encore pour Saturne ». Cette variation du diamètre apparent ne peut s’expliquer que par une variation de la distance entre la planète et la Terre.

Ces diverses raisons tirées de l’expérience et favorables au système de Ptolémée terminent la longue discussion dans laquelle Bacon a mis ce système aux prises avec l’Astronomie d’Alpétragius. Cette discussion, en effet, n’a pas de conclusion ; après avoir été minutieusement et complètement plaidée par les deux parties, la cause demeure en suspens ; aucun jugement n’est rendu. À la fin de l’Opus tertium, Bacon retrouve la même incertitude qui le faisait hésiter lorsqu’il rédigeait l’Opus minus ; il ne paraît pas qu’en sa raison, cette incertitude ait jamais fait place à une