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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


en mains un exposé incomplet du système proposé par les Hypothèses et suivi par Ibn al Haitam, ou bien qu’il avait mal compris cet exposé. Il objecte, en effet, à ce système, la complexité des mouvements de Mercure et de la Lune, alors que les Hypothèses des planètes et le Résumé d’Astronomie avaient montré quels orbes il convenait d’introduire pour rendre compte de cette complexité ; il objecte le mouvement des auges des planètes, identique à celui de la huitième sphère, alors que ce mouvement est si naturellement représenté par le mécanisme qu’a combiné Ptolémée.

D’autres objections, enfin, visent certaines suppositions du système de Ptolémée, qui sont parfaitement conciliables avec les agencements d’orbes solides imaginés par les Hypothèses et par Alhazen, sans être, d’ailleurs, nécessitées par ces agencements.

C’est ainsi que Bacon juge[1] inadmissible les mouvements oscillatoires qu’en l’Almageste, Ptolémée impose aux épicycles des planètes ; seuls, des mouvements de rotation toujours dirigés dans le même sens lui paraissent compatibles avec les principes de la Physique. Dans ses Hypothèses des planètes, Ptolémée attribuait aux épicycles des mouvements qui eussent pu satisfaire aux exigences de Bacon ; mais il est probable que celui-ci ne lisait pas les Hypothèses des planètes ; ces Hypothèses, au Moyen Âge, paraissent être demeurées inconnues des astronomes. Du moins eût-il été logique qu’il admît la théorie de l’oscillation des épicycles proposée par l’Almageste, puisqu’il reçoit avec admiration le mouvement tout semblable que le Tractatus de motu octavæ sphæræ attribue à la sphère des étoiles fixes.

Enfin, l’auteur de l’Opus tertium dresse, contre l’hypothèse de l’épicycle solide, imaginée par les modernes, une très forte objection que nul, à notre connaissance, n’avait proposée avant lui.

Aristote et, à sa suite, tous les Péripatéticiens ont admis que toute planète est invariablement liée à son orbite, qu’elle y est fichée comme un Clou dans une roue ; une planète n’a donc aucun mouvement propre ; elle se meut seulement κατὰ συμϐεϐηϰός, per accidens, entraînée par le mouvement de son orbite.

De cette proposition, la Lune fournit une démonstration palpable ; entraînée dans la révolution d’un orbe concentrique à la Terre, elle doit tourner vers nous toujours le même hémisphère ; aussi la tache qui s’y dessine garde-t-elle toujours le même aspect.

  1. Un fragment Inédit…, p. 134. — Liber secundus communium naturalium, éd. Steele, pp. 440-441.