Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/42

Cette page n’a pas encore été corrigée
35
L’INITIATION DES BARBARES


IV
SAINT JEAN DAMASCÈNE

Le milieu du xiie siècle, époque que la composition du De imagine mundi n’a vraisemblablement pas excédée, est aussi l’époque où les Chrétiens d’Occident ont connu le principal ouvrage de Saint Jean Damascène l’Ἔξδοσις ἀϰριϐης τῆς ὀρθοδόξου πίστεως, l’Exposition détaillée de la foi orthodoxe.

On sait peu de choses de la vie de Jean de Damna. Son surnom, toutefois, nous fait connaître sa patrie. Un pamphlet qu’il a écrit contre Constantin Copronyme, après le concile que Copronyme présida en 754, nous apprend que sa vie s’est prolongée au delà du milieu du viiie siècle ; c’est donc aux années qui avoisinent 750 qu’il nous faut attribuer la composition de ses écrits, sans qu’il nous soit possible d’en marquer le temps avec une plus grande précision.

Saint Jean Damascène semble donc avoir été presque contemporain du Vénérable Bède, un peu plus jeune, cependant, que ce dernier.

Si l’on compare la science de l’auteur grec a la science de l’auteur latin, elles paraissent à peu près équivalentes. Et, tout d’abord, il semble naturel qu’il en soit ainsi, puisqu’elles sont du même temps. Mais si le temps où écrit Jean Damascène est le même que celui où écrit Bède, les lieux et les circonstances offrent une singulière différence. Celui-ci vit au fond d’un monastère de Bretagne ; la science antique ne lui est connue que par les minces fragments qu’a ramassés Isidore de Séville et par la prolixe et médiocre Histoire naturelle de Pline. Celui-là voit autour de lui la civilisation byzantine ; les chefs-d’œuvre de la Science grecque sont rédigés dans la langue dont il use, il peut aisément se les procurer et les lire. Et cependant, s’il faut établir une préférence entre l’œuvre du Breton et l’œuvre du Damascène, c’est assurément celle-là qu’il faut placer avant celle-ci. Moins complète que la Physique de Bède, la Physique de Jean de Damas se montre absolument privée de ces aperçus originaux, de ces réflexions personnelles qui, de temps à autre, éclairent d’une lueur la pâle science des Pères de l’Église ou du Prêtre de Wearmouth ; elle n’est plus qu’un résumé desséché et vidé de toute pensée. La Physique de Bède, assurément, est encore enfantine ; mais parmi ses ignorances et ses naïvetés, nous percevons la