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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


supposition à cause de l’incorruptibilité du corps céleste, qui ne peut être divisé, et qui ne peut livrer passage à aucun corps étranger. Ils admettent, en outre, que tous les orbes, tant inférieurs que supérieurs, ont un même centre, qui est le centre du Monde ; tous ces orbes sont d’une rotondité parfaite ; ils tournent sans se compénétrer aucunement les uns les autres. Ils admettent, enfin, que les orbes divers ont les uns une vitesse plus grande, les autres une vitesse moindre ; c’est de là que résultent les mouvements tantôt directs et tantôt rétrogrades des planètes ; en effet, lorqu’un corps marche beaucoup plus vite qu’un autre corps, celui-ci semble reculer. Toutes ces suppositions semblent s’accorder fort bien avec la raison. »

En faveur du système de Ptolémée, les géomètres invoquent l’accord des observations avec les prévisions déduites de ce système. À cet argument, Bonaventure oppose une réponse identique à celle que lui oppose Thomas d’Aquin :

« Au jugement des sens, il semble que la supposition des mathématiciens soit la plus exacte, car les déductions et les jugements qu’ils fondent sur cette supposition ne les conduisent à aucune conséquence erronée touchant les mouvements des corps célestes. Toutefois, au point de vue de la réalité, il n’est pas nécessaire que cette position soit plus vraie (secundum rem tamen non oportet esse verius) ; car le faux est souvent un moyen de découvrir la vérité ; il semble que le philosophe de la nature use d’une méthode et d’une supposition plus raisonnable. »

Saint Bonaventure accumule les preuves en faveur du système des sphères homocentrique ; il réfute les objections que font valoir, contre ce système, les adeptes de l’Almageste ; il assure, en particulier, que les orbes contigus ne se gênent pas l’un l’autre en leurs mouvements ; puis il ajoute :

« On tire objection des mouvements directs ou rétrogrades des planètes ; à cette objection, il faut faire une réponse dont nous avons déjà touché un mot. Les sens semblent nous manifester de tels mouvements ; mais ils sont dûs simplement aux vitesses plus ou moins grandes des divers orbes ; celui qui saurait bien expliquer ces diverses vitesses pourrait rendre compte, par cette méthode, des apparences que les mathématiciens se proposent de sauver lorsqu’ils imaginent les excentriques et les épicycles. Mais cette explication concerne une autre science. »

Très nettement, en ce dernier passage, nous retrouvons la pensée, et presque le discours d’Averroès.

La science à qui il appartiendrait de mener à bien l’explication