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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


lait faire œuvre d’astronome, et s’attacher à la doctrine des sphères homocentriques lorsqu’il se proposait d’être métaphysicien ; quant à Guillaume d’Auvergne et à Bonaventure, leur enseignement le sollicitait d’adhérer à la théorie d’Al Bitrogi.

Entre les deux systèmes, dont l’un s’accorde mieux avec les observations des astronomes, dont l’autre semble plus conforme aux principes des physiciens, Bacon hésite ; et malgré un effort immense pour résoudre enfin cette hésitation en une adhésion formelle soit à l’un, soit à l’autre des deux partis, toute sa vie, il demeurera dans le doute ; pour faire cesser ce doute, cependant, il n’épargnera aucune étude ; l’Almageste de Ptolémée aussi bien que la Théorie d’Alpétragius,il les lira avec plus d’attention, il les résumera avec plus d’exactitude et de soin qu’aucun docteur scolastique ne l’avait fait avant lui ; chacun de ses grands ouvrages marquera, sur les précédents, un progrès dans la connaissance des systèmes astronomiques ; mais ce progrès ne parviendra pas à fixer le choix de l’auteur.

L’un de ces progrès, que nous noterons en lisant l’Opus tertium, se manifestera par l’exposition des agencements d’orbes solides qu’avait imaginés Ptolémée, dans ses Hypothèses des astres errants, et qu’avait repris Ibn al Haitam ; de ces agencements, aucun des ouvrages, antérieurs à l’Opus tertium de Bacon, que nous ayons pu connaître ne contient la moindre indication ; en les décrivant très exactement, Bacon avouera que leur emploi fait évanouir bon nombre des objections formulées par Averroès contre le système des excentriques et des épicycles ; mais il trouvera encore, en ce système, trop d’hypothèses inacceptables pour qu’il consente à l’adopter sans restriction.

L’invention de Ptolémée, exposée par Ibn al Haitam, ravira plus complètement l’adhésion d’un franciscain qui avait subi l’influence de Roger Bacon ; nous voulons parler de Bernard de Verdun. Bernard de Verdun verra, dans ces mécanismes, le moyen de mettre le système de Ptolémée à l’abri des objections de la Physique péripatéticienne ; comme ce système est le seul qui permette de prévoir les observations, de dresser des tables, en un mot de sauver les phénomènes, il n’hésitera pas à le proclamer vrai et à condamner le système d’Alpétragius.

La composition du traité de Bernard de Verdun semble, du moins pour l’École de Paris, signaler une date essentielle de l’histoire des doctrines astronomiques ; à partir de ce moment, le système de Ptolémée règne sans conteste sur l’enseignement scientifique de cette École ; le système d’Alpétragius et la lutte menée