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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


ouverte par le Commentateur athénien et reprise sommairement par Thomas d’Aquin[1].

L’autorité d’Aristote inspire à Thierry une trop sincère vénération pour qu’il ose déclarer purement et simplement que le Stagirite s’est trompé ; maiseette vénération n’est pas telle qu’elle prévaille sur la certitude expérimentale ; entre une proposition affirmée par la philosophie péripatéticienne et une proposition contraire vérifiée par l’observation, Thierry n’hésitera jamais ; toujours, il donnera au témoignage des sens la primauté sur les déductions du raisonnement ; il s’efforcera, toutefois, de pallier les erreurs d’Aristote, de les interpréter de telle sorte qu’elles se puissent accommoder aux enseignements de la Science expérimentale ; seul, Averroès sera durement condamné pour des doctrines fausses dans lesquelles il n’a été, cependant, que le fidèle commentateur du Philosophe.

Triomphe incontesté de la Science expérimentale, abandon à peine dissimulé de la Physique péripatéticienne, tels sont, selon le traité de Thierry, les résultats auxquels a conduit la lutte entre ces deux méthodes. Cette lutte, dont l’étude des œuvres écloses en l’Ordre de Saint Dominique nous a fait connaître quelques phases, elle s’était débattue, non moins ardente, au sein de l’Ordre de Saint François ; et là encore, nous verrons la méthode expérimentale, si fortement et si justement préconisée par Aristote, renverser les doctrines de ce même Aristote.

  1. Vide supra, p. 355.