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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


mée d’une substance simple, plus simple même que ne l’est chacun des éléments en sa propre substance ; il est donc raisonnable de placer, au-dessus de la huitième sphère, c’est-à-dire de la sphère des étoiles fixes, une autre sphère qui est la neuvième. Dès lors, si à chaque sphère céleste, nous préposons, comme la raison nous y conduit, une intelligence ; si nous en préposons également une à l’orbe sphérique des éléments, il est nécessaire d’admettre l’existence de dix[1] intelligences.

» C’est cette même raison qui a poussé ledit seigneur Albert à admettre dix[2] sphères célestes, de telle sorte que deux sphères se trouvassent au-dessus de l’orbe sphérique des étoiles fixes. Il disait, en effet, que la sphère des étoiles fixes est mue de trois mouvements ; le premier de ces mouvements est le mouvement diurne d’Orient en Occident ; le second est un mouvement d’Occident en Orient[3] sur l’axe et les pôles du cercle des Signes ; ce mouvement est, à peu près, d’un degré en cent ans ; il procède dans le sens direct selon la ligne du cercle des Signes, et est accompli en 36.000 ans ; enfin, il disait que cette sphère était mue d’un troisième mouvement, de celui qu’on nomme mouvement d’accès et de recès et qui est d’un degré en 80 ans. Il regardait ces deux derniers mouvements comme différents l’un de l’autre ; il lui fut donc nécessaire de placer deux sphères au delà de la huitième ; il lui fallut admettre dix sphères célestes. » Ce mouvement qu’il supposait procéder constamment dans le sens direct, selon la ligne des Signes, et d’un degré en cent ans, il l’a emprunté à Ptolémée qui l’admet en l’Almnageste, au chapitre VIII du livre premier et au chapitre II du livre VII. Comme, en effet, au temps de Ptolémée, ce mouvement [d’accès et de recès] avait lieu d’Occident en Orient, Ptolémée pénsa qu’il procédait toujours dans le sens direct et qu’il s’achevait en 36.000 ans, décrivant, en ce temps, toute la longueur du cercle des Signes. Mais, dans la suite des temps, on s’aperçut que ce mouvement rétrogradait vers l’Occident de la manière qui a été dite ci-dessus, c’est-à-dire sur le cercle d’accès et de recès. L’auteur de cette observation fut Thébit, dont quelqu’un a dit[4] : Jamais les Chrétiens n’ont eu un philosophe aussi subtil et aussi profond que ne l’a été, assure-t-on, ce Thébit.

  1. Le ms. dit : neuf.
  2. Le ms. dit : neuf.
  3. Le ms. dit : d’Orient en Occident.
  4. Thierry ne vise-t il pas ici Roger Bacon qui, nous le verrons au § V du chapitre suivant, a écrit : « Thebit vero maximus Christianorum astronomus » ?