Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS


a fait connaître son opinion touchant les théories astronomiques.

Mais avant même que nous lisions cet écrit, nous pouvons prévoir la position que Thierry va prendre dans le débat auquel ces théories donnent lieu. Le débat met aux prises l’autorité de la philosophie péripatéticienne et la certitude de l’expérience ; entre les deux puissances en lutte, le choix de Thierry est fait ; à l’autorité du Philosophe, il préfère le témoignage des sens ; et en faisant un tel choix, il peut se réclamer de l’exemple même du Stagirite.

En effet, voici la déclaration très nette que nous trouvons au traité De iride, touchant l’autorité d’Aristote[1].

« Nous dirons, à ce sujet, qu’on doit exposer ce qu’a dit le Philosophe, à cause de l’autorité de sa doctrine philosophique et du respect dont elle est digne ; que chacun interprète ensuite ce dire dans la mesure de sa science et de son pouvoir. Mais sachons bien que, suivant ce même Philosophe, nous ne nous devons jamais écarter de ce qui est manifesté par le sens — Dicendum ad hoc quod, pro reverentia et auctoritate philosophicæ doclrinæ, dictum Philosophi exponendum est ; et interpretetur quilibet sicut scit et potest ; sciendum autem quod, secundum eundem Philosophum, a manifestis secundum sensu ni nequaquam recedendum est. »

Cette méthode, qui reçoit le témoignage des sens avec uhe entière confiance et ne permet à aucune autorité philosophique d’en suspecter la certitude, c’est celle que nous verrons suivre par Thierry au cours du Tractatus de intelligentiis et motoribus cælorum.

Le prologue de ce traité débute par la phrase que voici :[2]

« Reverendis et in Christo dilectis fratribus Heinrico de Friburgo (ou de Fribergo) et Heinrico de Hitelingin ordinis predicalorum, fratrer Theodoricus ejusdem ordinis habita fratrer predicator sed cita peccator, eam veritatem que Deus est veraciter intelligere, et intelligendo amare, et amando et fruendo féliciter possidere. »

C’est une sorte d’épître dédicatoire que ce souhait nous annonce ; de cette courte épître[3], voici la traduction :

« En l’état où l’âge m’a mis, vous eussiez dû réclamer de moi


    Op. laud., pp. 56-62). M. Krebs a donné un résumé de ce traité. Grâce à l’obligeance du R. P. Ehrlé, S. J., Préfet de la Bibliothèque Vaticane, nous avons pu faire prendre une photographie de la première rédaction. Que le R. P. Ehrlé reçoive ici le témoignage de notre vive gratitude.

  1. Venturi, Op. laud., pp. 157-158.
  2. Bibliothèque Vaticane, Cod. lat, 2188, foi. 56,col. a . — Krebs, Op. laud., p. 56.2
  3. Ms. cit., fol. 56, coll. a et b. — Krebs, Ibid.